Il s'agit d'une reprise de la production de 2007, que je n'avais pas vu. Œuvre (mineure) d'un compositeur de 20 ans, cet opera bouffe comporte en prémices tout ce qui fera l'excellence rossinienne. Mais on sent encore la verdeur, quelque chose d'inachevé, une musique qui se cherche sans vraiment atteindre (encore) les effets qui seront si parfaitement maîtrisés dans le Turc ou l'Italienne.
La surprise vient de la mise en scène, que j'ai trouvé bluffante, du tandem composé par Giorgio Barberio Corsetti et le videaste Pierrick Sorrin. Sur scène sont installés et manipulés des mini décors, filmés par des mini caméras et projetés sur six écrans suspendus. Les chanteurs et comédiens évoluent sur fond bleu et sont incrustés dans ces décors. Nait ainsi une distanciation fascinante entre la technique exposée en 1er plan et l'illusion opératique projetée sur écran. Et l'ambiance de cinéma muet, les mimiques en gros plan, bref l'esprit farce sont pleinement rossiniens.... Et le public de se marrer pendant trois heures.....
Mais cet énorme succès de mise en scène nuit à la représentation. La dimension scénique est tellement présente, tellement achevée, que l'on a parfois l'impression que l'œuvre de Rossini est réduite à une fonction de fonds sonore....
Et pourtant, l'ensemble Matheus, sur instrument d'époque, est magistralement conduit par JC Spinosi. Énergique, méticuleux, attentif à ses chanteurs et aux ensembles, proposant une vraie recherche sur l'œuvre qu'il n'hésite pas parfois à bousculer ou à exacerber dans ses intentions et effets comiques.
Sur scène, et même si la direction d'acteurs est impeccable et l'engagement des chanteurs sans faille, c'est un peu moins la fête. D'une façon générale, la distribution féminine manque de puissance ce qui nuit assez sévèrement à l'équilibre des ensembles en dépit des efforts de JC Spinosi et de l'attention des partenaires. En marquise Clarice, Teresa Iervolino est franchement décevante. Le timbre est plat, sans onctuosité, la technique souvent un peu légère. Idem pour Raquel Camarinha qui a ce timbre acidulé de soprano léger que je ne goûte pas beaucoup et dont les qualités belcantistes restent à demontrer, avec en particulier une tendance a esquiver les vocalises, un brin agaçante.... Les qualités techniques sont plus affirmées chez la baronne Aspasia de Mariangela Sicilia mais le défaut de puissance est souvent gênant. Du côté des hommes, le Comte de Simon Lim n'est pas très convaincant non plus. On le sent souvent un peu fourvoyé dans ce répertoire et sa basse légère s'adapte mal aux exigences de la partition. En revanche, bonne surprise avec le beau ténor de Krystian Adam (Giocondo), et les beaux barytons de Bruno Taddia (Macrobio) et de Davide Luciano (Pacuvio). Les voix sont belles, les timbres chaleureux et amples, le legato est bien maitrisé. Bref de grands interprètes rossiniens à venir ?
20 janvier 2014 - La pietra del paragone (Rossini) au Chatelet
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