Le problème de cette production tient tout entier dans la mise en scène de Lars Rudolfsson. On aurait pu oublier des décors sans grande beauté, mais le dispositif scénique (un plancher en bois surélevé, particulièrement pentu et en forme de vagues) gêne constamment les chanteurs et leurs mouvements. Excès de concentration sur le mouvement (pour éviter la chute) qui nuit considérablement à l'interprétation. La direction d'acteurs est également lourdement fautive : si la vis comica du personnage d'Atalante est bien vue (et bien servie par une interprète remarquable), celle d'Elviro est totalement manquée et je me serais passé de cette vision comique sur les personnages d'Ariodate et d'Amastre. Mais le pire est encore à venir avec la chorégraphie ridicule à souhait (volontairement, je n'en doute) et surtout la caractérisation du personnage de Xerxes, toute en outrances.
Cette vision d'un Serse adolescent perturbé et cruel aurait pu se défendre mais l'accumulation de vulgarités ne la sert pas. Et Malena Ernman semble se complaire à en rajouter, à coups de déhanchements suggestifs, de jeux de braguettes.... Au point que cette excès de vulgarités entache son chant et que, même en fermant les yeux, on ne parvient pas à y échapper. Présentée comme une interprète idéale du rôle, elle a été, pour moi, une grosse déception. Si l'engagement est total et remarquable, l'interprétation est dénuée de finesse, la voix petite et la projection limitée, le timbre agréable mais sans rien de remarquable. Ces limites sont perceptibles des "ombra mai fu" et, si l'art du récitatif est très bien maîtrisé, la débauche d'effets déployée dans "crude furie" ne compense pas ces défauts.
Heureusement, le reste de la distribution est de bien meilleure facture. Et pour commencer, la somptueuse direction de Spinosi et le belle performance des Matheus. La lecture est dépouillée, et si l'habituelle énergie qui met en valeur les dynamiques de la partition est bien toujours présente, elle ne s'effectue jamais au détriment d'une lecture plus harmonique, plus sensible. L'accompagnement orchestral de "ombre mai fu" en donnera un éblouissant exemple des le début du spectacle et l'attention permanente accordée aux interprètes est exemplaire.
L'Arsamene de David DQ Lee est impeccable. Maitrise des difficultés techniques et justesse de l'expression, beauté du timbre et respect stylistique constant font de son interprétation un moment fort. Il en est de même de l'Amastre d'Ivonne Fuchs qui compose un personnage sensible : le timbre de mezzo est particulièrement beau et chaud, et sa rondeur neutres le ne gêne nullement une réelle virtuosité. Le soprano léger de Kerstin Avemo trouve un très bel emploi dans le rôle d'Atalanta dont elle fait un délice de coquetterie, de rouerie et de cynisme. A des talents d'actrice remarquables s'ajoutent une grande maîtrise technique qui la fait se jouer des difficultés techniques réelles de la partition tout en conservant une constante expressivité. Quoique n'ayant nullement déméritée, la Romilda de Hanna Husahr est plus pâle, et ne parvient pas réellement à porter l'émotion ni à captiver. Les deux basses - Bengt Krantz (Elviro) et Jakob Zethner (Ariodate) - ont des voix puissantes, bien adaptées à ce répertoire mais, plus âgés que le reste de la distribution, ils ont été aussi les plus gênés par la mise en scène et sont souvent apparus empruntés et mal à l'aise.
Enfin, je dois à la vérité de dire que le public a semblé ne pas partager mes réticences, réservant un vrai triomphe à Malena Ernman et applaudissant la mise en scène.
Distribution :
Malena Ernman, Xerxès
Bengt Krantz, Elviro
David DQ Lee, Arsamene
Kerstin Avemo, Atalanta
Hanna Husahr, Romilda
Ivonne Fuchs, Amastre
Jakob Zethner, Ariodate
Lars Rudolfsson, Mise en scène
Sara Larsson Fryxell, chorégraphie
Ensemble Matheus
Jean-Christophe Spinosi, Direction
4 juin 2015 - Serse (Haendel) à l'Opera de Versailles
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