18 janvier 2017 - Stabat Mater (Pergolèse) au Théâtre des Champs Elysées
Donné dans la cadre des "Grandes Voix", ce concert, centré sur le Stabat Mater de Pergolèse, comportait une abondante et riche première partie, dont le programme faisait la part belle à Monteverdi.
Débutant par l'ouverture et le prologue de l'Orfeo, ces deux premières interprétations m'ont paru assez mal maîtrisées, pas très bien en place, bref très loin de la qualité musicale à laquelle Christina Pluhar et l'Arpeggiata nous ont habitués. Heureusement, cette qualité est au rendez vous dès la Ciaccona de Cazzati dans laquelle on retrouve cette précision, cette pureté et cette intériorité propre à l'Arpegiatta et à Christina Pluhar. Dans cette première partie, ces qualités ne feront plus défaut et, dans les deux pièces orchestrales, on retrouvera ces accents sud américains qui faisaient l'originalité de l'enregistrement Teatro d'amor des mêmes.
Le"Pur tu miro" qui suit est un pur bijou. Le plus frappant est le somptueux accord des voix d'Emöke Baráth et de Tim Mead, dont les timbres s'épousent avec une facilité soyeuse. Tout au long de la 1ère partie du concert, ce merveilleux équilibre, jalousement surveillé par Christina Pluhar, ne se démentira pas et se retrouvera, tout aussi impressionnant dans le "Damigella..." et "Zefira torna".
Le soprano lyrique d'Emöke Baráth se déploie parfaitement durant tout cette première partie dans laquelle la pureté de son timbre, les modulations de la voix tour à tour fruitée, cristalline voire charnelle s'appuient sur une technique très sûre. Son interprétation, parfaitement accompagnée par l'orchestre, du Stabat Mater de Sances est un pur bonheur.
L'élégie, la déception amoureuse et le lamento conviennent à la perfection à la suavité et à la puissance maîtrisée de l'alto Tim Mead. Le timbre est dense, d'une très grande homogénéité et la ligne de chant parfaitement baroque. "Oblivion soave" du Couronnement de Popée lui permet, au-delà de ces grandes qualités, de mettre en valeur un sens rare du lamento et une longueur de souffle remarquable.
En seconde partie, entièrement consacrée au Stabat Mater de Pergolese, on retrouvera la magie de cette relation fusionnelle des timbres des deux interprètes. La déception viendra de Christina Pluhar qui manque d'attention aux équilibres dans le premier numéro au cours duquel Tim Mead écrase (bien involontairement) la soprano. Défaut mineur, si Christina Pluhar n'avait en outre pris le curieux parti dans cette œuvre religieuse exprimant la douleur et l'impuissance maternelle d'adopter des tempi rapides pour certains numéros. En particulier, le "Cujus animam...." pourtant noté "andante amoroso" sur la partition est joué avec une vivacité trop marquée et des temps scandés assez laids. Au final, c'est une interprétation très déséquilibrée qui nous est livrée, alternant des moments de grâce absolue dans le lamento et le largo que les deux voix servent avec talent et beauté et des moments irritants quand Christina Pluhar accélère les tempi sans que l'intention en soit compréhensible pour l'auditeur et sans que ce choix apporte à l'œuvre.
Malgré cette impression contrastée, le public s'est montré très enthousiaste mais, inflexible et souriante, Christina Pluhar n'a accordé aucun bis.
Programme :
Emőke Baráth soprano
Tim Mead contre-ténor
Christina Pluhar théorbe et direction
L’Arpeggiata
Monteverdi : L’Orfeo Toccata, Prologue
Cazzati : Ciaccona
Monteverdi : «Pur ti moro» extrait du Couronnement de Poppée
«Damigella, tutta bella»
«Si dolce è’l tormento,
«Oblivion suave» extrait du Couronnement de Poppée
Lamento della Ninfa «Amor»
«Zefiro torna»
Mealli : La Vinciolina pièce instrumentale
Sances : Stabat Mater
Monteverdi : Laudate Dominum
Pergolese : Stabat Mater