C'est à la découverte d'un compositeur particulièrement prolixe et très oublié que nous conviait le centre de musique romantique française du Palazetto Bru Zane. Le baron Fernand de La Tombelle (1854-1928) qui a participé à la création de la Schola Cantorum et qui était un organiste de talent, a laissé une œuvre un peu touche à tout : opérettes, cantates, chœurs profanes et sacrés, musique d'orchestre, musique de chambre, musique pour orgue, pour harmonium.
Dans le prolongement de l'enregistrement (Aparté) par le baryton Tassis Christoyannis (Jeff Cohen au piano) le Palazetto Bru Zane nous proposait une partie des mélodies de Fernand de La Tombelle, chantées par la basse Nicolas Courjal accompagné au piano par Antoine Palloc.
De ces mélodies, écrites à partir de poèmes connus ou inconnus, voire anonymes, se dégage un charme incontestable. Ce charme est encore accru par le lieu du concert qui aide à faire revivre l'ambiance de cette musique de salon. La joliesse du Palazetto et de son salon ne suffit toutefois pas à masquer totalement les limites d'une acoustique peu adaptée à la puissance de la voix de Nicolas Courjal ni à l'écriture sophistiquée de la partition pour piano prise en charge avec une évidente délectation par Antoine Palloc.
La séduction est néanmoins immédiate, avec un Coucher de soleil saisissant de couleurs. Tout au long de ce programme sophistiqué, Nicolas Courjal démontre quel très grand interprète il est. Doué d'une irréprochable diction française, il aborde avec un égal bonheur et sans mièvrerie ni affectation les pages les plus sentimentales (Promenade nocturne, Un rêve, Veux-tu les chansons de la plaine, Élégie, Chanson de grève, Ischia ou le bouleversant Pourquoi?) faisant preuve d'une belle sensibilité authentiquement romantique et d'une grande maîtrise de la musique française dans cet exercice difficile qu'est la mélodie. Mais il sait également traduire avec une précision poignante l'accablement, le désespoir et la colère de l'homme impuissant face à l'horreur de la guerre (Pour la paix) ou face à la misère et au malheur (Les tisserands). Enfin, il nous emmène cheveux au vent galoper dans les plaines d'une Asie de conquête avec une énergie barbare. Grand talent que celui de pouvoir traduire avec autant de précision et d'efficacité une telle diversité de sentiments, d'ambiances, de paysages... La voix se plie avec docilité aux exigences de l'interprète, caressante, chatoyante et soudain implorante ou désespérée, pour finir dans un tonnerre ou un cri. Une performance impeccable admirablement servie au piano par un Antoine Palloc en parfaite osmose. Et en bis un charmant et délicat Malia (Tosti), chanté en italien comme un hommage à Venise.
Programme :
Mélodies de Fernand de La Tombelle
Coucher de soleil (Leconte de Lisle)
Promenade nocturne (Théophile Gauthier)
Un Rêve (Hubert de Roquefeuil)
Pour la paix (anonyme)
Veux-tu les chansons de la plaine (anonyme)
Les Reliques (Gabriel Ducos)
Élégie (anonyme)
Chanson de grève (Paul Rabot)
Les Tisserands (anonyme)
Cavalier mongol (Marcel de Lihus)
Pourquoi ? (Georges Boutelleau)
Les Papillons (Théophile Gauthier)
Ischia (Alphonse de Lamartine)
Bis :
Tosti : Malia