Décidément, la grande salle de la Philharmonie n’est pas faite pour le chant. Si son acoustique précise sert plutot la coloration, son excessive réverbération atténue une grande partie des nuances qui sont noyées dans un son « brouillé », en écho, et donne l’impression que les cadences rapides sont imprécises et que les vocalises sont savonnées. Les plus grands se servent néanmoins de ce défaut comme d’une chambre d’echo « naturelle » pour amplifier des pianissimi éthérés et, à l’evidence, Diana Damrau fait partie des plus grands.
Le programme du concert reprend largement celui de son enregistrement « Grand Opera ». Toutefois, la direction de Lukas Borowicz n’est pas celle d’Emmanuel Villaume. Plus mécanique, moins précise, elle pâtit en outre d’un choix de programme qui fait la part trop belle (et trop longue) aux ouvertures. L’Orchestre National de Lille fait preuve d’un bel enthousiasme mais les œuvres s’enchainent comme s’il ne s’agissait que d’un seul et même ouvrage et l’ennui pointe parfois le bout de son nez. Rien a dire en revanche de l’accompagnement soigné et attentif de Diana Damrau, aidée, il faut bien le dire par une puissance et une projection remarquables.
La première partie est consacrée à des airs légers voire mutins. Diana Damrau s’y abandonne avec un évident plaisir et un abattage impressionnant, dès son entrée sur un virevoltant « Salut » des Huguenots. L’air de Dinorah qui suit, toujours aussi expressif, est beaucoup moins convaincant et la voix y montre des limites, notamment un aigu durci. En revanche, l’air de Manon est un petit bijou même si l’on perçoit une Diana Damrau sur la réserve, comme si les défauts de sa Dinorah l’avaient incité à la prudence.
La seconde partie la verra d’ailleurs se débarrasser progressivement de cette prudence. Sur des rôles plus lourds, plus dramatiques, elle adopte un parti sobre voire austère qui contraste avec bonheur avec ses moyens opulents, qui affleurent et créent une sorte de tension sous un chant élégant et raffiné. Et ce sentiment ira croissant jusqu’à un « Robert, toi que j’aime » d’anthologie, proprement bouleversant, suivi, en bis du rare « Adieu » de l’Africaine.
J’ai regretté pour ma part que le fil Grand Opera français ne soit pas suivi avec plus de rigueur. Les arias en allemand ou en italien n’apportaient guère de sens à cette soirée, d’autant que l’on aurait aimé entendre la plus rare version française des Vêpres. Mais la démonstration de l’excellence et de la maîtrise de Diana Damrau dans ce répertoire est parfaitement confirmée, soutenue par une diction de haut niveau et un véritable sens de la musique française du XIXeme.
Programme :
Vincenzo Bellini - Norma - Ouverture
Giacomo Meyerbeer - Les Huguenots – « Nobles seigneurs, salut ! »
Gioacchino Rossini - Guillaume Tell - Pas de six
Giacomo Meyerbeer - Dinorah ou Le Pardon de Ploërmel – « Ombre légère »
Georges Bizet - Djamileh - Ouverture
Jules Massenet - Manon – « Suis-je gentille ainsi ?... Je marche sur tous les chemins... Profitons bien de la jeunesse... »
Giacomo Meyerbeer - Emma di Resburgo – « Sulla rupe, triste, sola »
Ferdinand Hérold - Zampa - Ouverture
Giacomo Meyerbeer - Ein Feldlager in Schlesien – « Oh Schwester, find’ ich Dich !... Lebe wohl, Geliebte... »
Giuseppe Verdi - Un giorno di regno - Ouverture
Giuseppe Verdi - I Vespri siciliani – « Merce dilette amiche »
Emmanuel Chabrier - Suite pastorale – Idylle
Giacomo Meyerbeer - Robert le Diable – « Robert, toi que j’aime »
Bis :
Giacomo Meyerbeer - L'Africaine - "Adieu, doux rivages"
photo : Maria Stuarda on FB.