Ce concert présentait une affiche et un programme alléchants et, avouons-le sans ambages, nous sommes restés sur notre faim après une soirée décevante (et même si le public du TCE n’a pas ménagé ses applaudissements).
Déception tout d’abord d’une prestation assez médiocre de Capella Gabetta, assez plan-plan ce soir, qui exécute scolairement et avec quelques problèmes de justesse le concerto pour cordes de Vivaldi. On ne retrouve guère les qualités de cette formation que j’apprécie pourtant beaucoup, que dans la sonate pour violon de Ragazzi dans laquelle elle déploie ses qualités de pugnacité, de colorations et de virtuosité habituelles.
Dans le motet de Porpora « In caelo stelle care », Julia Lezhneva nous procure un pénible et très gêné ennui. J’ai d’abord cru à un problème de voix ( coup de froid ou problème d’échauffement) mais il n’en est malheureusement rien ; c’est juste qu’elle en fait des tonnes avec une esthétique totalement inapproprié ou pire, un recours non maîtrisé au « tremolante ». Vibrato permanent et artificiel, très appuyé, effets systématiques (pour ne pas dire recours éhonté à des « trucs » assez facile) et artificiels appuyés sur des trilles récalcitrants et un souffle peu maîtrisé. L’aigu reste en revanche très beau et on se prend à rêver d’un peu de sobriété et peut être de modestie.
Le probleme c’est que ce soir, l’artifice vocal semble viral. Et Franco Fagioli de nous abreuver à son tour d’un déluge d’effets dont le Nisi Dominus se serait bien passé. En ressort le sentiment d’une interprétation surchargée, franchement outrancière, de laquelle ne ressort qu’un « Cum dederit » dont la note finale qui vient s’éteindre dans un superbe pianissimo est un petit miracle.
Le Stabat Mater en deuxième partie de cette soirée sera très inégal. Les deux chanteurs y ont enfin renoncé à leur concours d’effets mais peinent à porter la spiritualité pourtant si présente de l’œuvre. Les tempi adoptés pour l’interprétation sont totalement... inappropriés, sans grand sens de l’esthétique baroque et sans non plus recherche de profondeur. Très rapides le plus souvent, parfois excessivement ralentis, ils soutiennent une étrange sensation de légèreté, voire de frivolité, encouragée par l’interprétation des deux chanteurs. Certes leurs deux timbres se marient superbement et procurent de très beaux moments. Certes, débarrassé des effets appuyés, le haut niveau de maîtrise technique qui est le leur est bien plus évident qu’en première partie. Mais tout ceci passe complètement à côté de la douleur maternelle sublimement décrite par Pergolèse...
Et on trouve confirmation de tout ceci dans le seul bis de la soirée, duo extrait du Giulio Cesare de Haendel, superbement interprété par deux comparses qui semblaient ce soir avoir davantage envie d’être dans le registre de la virtuosité haendelienne que de la spiritualité profonde que le programme appelait pourtant.
Dommage....
Programme et distribution :
Antonio VIVALDI (1678-1741)
Concerto pour cordes et basse continue RV 156
Nicola Porpora (1686-1768)
Motet "In caelo stelle care"
Angelo Ragazzi (1689-1750)
Sonate pour violon solo et orchestre op. 1 n° 8
Antonio Vivaldi (1678-1768)
Nisi Dominus
Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736)
Stabat Mater
Bis : Duo « Caro, ....Bella » extrait du Giulio Cesare de Haendel
Julia Lezhneva, soprano
Franco Fagioli, contre-ténor
Cappella Gabetta, Andres Gabetta direction et violon solo
Photo : (C) théâtre des Champs elysees