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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


9 novembre 2018 - Nabucco (Verdi) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 10 Novembre 2018, 15:28pm

Catégories : #Opera version concert

 

Nabucco est l’opéra qui fut le premier grand succès de Verdi et qui lui donna cette image de compositeur engagé dans la lutte pour la libération de l’Italie. Le Va, penserons chanté pour la première fois à Milan sous domination autrichienne, aurait tout de suite été perçu comme un véritable hymne à la liberté. Et Nabucco connut ainsi un immense succès populaire et devint l’œuvre iconique de l'unification de l'Italie, dont le succès ne s’est jamais démenti. 

 

La création de Nabucco permit à Verdi de renouer avec un succès qui le fuyait depuis celui d’Oberto (1838). Ce 9 mars 1842 la création de Nabucco à la Scala de Milan rencontre un énorme  succès qui conduira à de très nombreuses reprises dans toute l’Europe dès 1842. Le choeur est un élément essentiel de l’œuvre : au-delà du celebrissime va, pensiero l’opera s’ouvre d’ailleurs sur un choeur qui suit immédiatement l’ouverture. Opera de jeunesse, Nabucco s’inscrit dans la tradition italienne mais comporte nombre d’innovations qui caractériseront le style verdien : abandon des récitatifs, ouverture à motifs, place du choeur, traité comme un personnage à part entière, apparition du baryton « verdien » et de la soprano dramatique

 

C’est une version de concert que nous présentait ce soir le Théâtre des Champs Elysées, co-produite avec l’Opera de Lyon, comme le fut le Attila de l’an dernier et dans lequel nous avions déjà remarqué le maestro Rustioni (Ici).

 

Personnage principal de l’ouvrage le choeur de l’Opera de Lyon est remarquable. Sous la direction de Christophe Heil, il fait preuve d’une intelligence collective du chant rarement portée à ce niveau. Parfaitement homogène, il se plie avec un égal bonheur à toutes les exigences. Le sommet de ce très beau travail sera bien évidemment le va, pensiero brûlant de patriotisme mais aussi de retenue, avec cette dernière note tenue jusqu’au silence dont la beauté sera malheureusement interrompue par quelques spectateurs incapables de réfréner leur enthousiasme....

 

Remplaçant Leo Nucci, le baryton mongol Amartuvshin Enkhbat était très attendu dans le rôle titre. Précédé d’une réputation qui commence à devenir flatteuse, il a su s’imposer dans ce rôle dont la tessiture lui convient parfaitement. Le timbre est très riche, la voix très bien projetée et la technique est remarquable. Une voix exceptionnelle et un archétype du « baryton Verdi ». Ajoutons à cela un chant très expressif qui culmine dans un « Dio di Giuda » à tirer les larmes et qui lui vaudra une longue ovation. Et une deuxième ovation pour la cabalette qui suit  («Ô, prodi miei ») couronnée d’un aigu puissant ! Une très très grande interprétation de ce rôle emblématique même si on a pu parfois, dans les premiers actes, la trouver un poil trop lisse, défaut probablement imputable à la version de concert.

 

Autre triomphatrice de la soirée, Anna Pirozzi est une superbe Abigaille. Elle se joue des difficultés d’un rôle difficile dont elle parvient à épouser les évolutions et les failles et qu’elle parvient à rendre pleinement crédible alors même que le livret ne lui facilite pas la tâche.... Elle va puiser dans ses immenses ressources pour affronter toutes les difficultés avec un courage et une détermination époustouflante. La longue et célèbre scène du II est un modèle du genre, dans laquelle rien n’est escamoté, et même si un ou deux graves profonds sont un peu détimbrés, les demi teintes sont tellement belles et l’aigu est tellement incroyable de puissance et de malléabilité aussi... La voix de soprano dramatique est parfaitement expressive jouant de la terreur comme de la douceur avec un timbre riche et coloré et la mort d’Abigaille est un sans faute technique et expressif. Après sa lady Macbeth impressionnante (Ici), son incarnation d’Abigaille est tout simplement exceptionnelle !

 

Même s’il a semblé parfois en difficulté, notamment au III, Riccardo Zanellato a été très justement salué par le public pour sa très belle interprétation de Zaccaria. Si quelques notes ont semblé lui manquer dans l’aigu, l’interprétation reste remarquable. Et quelle technique !

 

C’est la Fenena d’Enkelejda Shkoza qui m’a le moins convaincu. Dans une production de ce niveau exceptionnel elle n’a aucunement démérité mais l’émission est assez mal maîtrisée et la voix, comme l’artiste, semblent comme à l’étroit dans un rôle il est vrai assez ingrat. Mais l’émotion ne parvient pas à passer, pas même dans la Prière.

 

Ismaele est tenu par le ténor Massimo Giordano qui livre une agréable interprétation du personnage. Le timbre est clair, rayonnant, mais la projection est inégale, surtout sur les notes de passage qui semblent à différentes reprises lui poser problème. 

 

Martin Hässler (Grand Prêtre) est un beau baryton-basse, chanteur prometteur qui complète très bien la distribution. Erika Baikoff est une Anna intéressante, au timbre clair et au chant sonore qui lui permet d’être bien audible dans les ensembles. Grégoire Mour se tire bien du petit rôle ingrat d’Abdallo dans lequel il arrive à mettre en valeur un joli timbre. 

 

Mais c’est à la direction de Daniele Rustioni que doivent revenir les plus grandes louanges. On avait beaucoup aimé son Attila (ici) mais ce soir, le Chef et son orchestre étaient en état de grâce. On a rarement vu une telle attention portée aux équilibres des masses sonores, une telle sollicitude de tous les instants envers chaque soliste. Tous les effets sont maîtrisés, avec un souci de clarté musicale permanent, et sans affectation. Le moindre détail de la partition est exploité et chacun des pupitres est mis en avant comme je l’ai rarement entendu. L’œuvre est réellement interprétée de la première à la dernière note de la partition, sans relâchement, sans faiblesse, sans facilité. Alors même que cette partition a été mille fois entendue, il sait surprendre son public à maintes reprises, et rendre toute la violence et l’espoir de cette oeuvre. L’énergie qu’il met à la tâche est démentielle : il saute, il s’accroupit, talonne, grogne. La gestique est étudiée et un rien emphatique mais tout ça correspond parfaitement au jeune Verdi et il est rare, très rare d’être ainsi emporté, transporté par une direction qui sait rendre aussi bien les couleurs que la fougue, les contrastes et l’émotion d’une œuvre, pourtant rabâchée.

 

Les spectateurs ont ainsi assisté à une grande soirée d’opéra et en ont longuement remercié les protagonistes. 

 

 

Programme et distribution : 

 

Giuseppe Verdi (1813-1901)

Nabucco

Opéra en quatre parties

Livret en italien de Temistocle Solera d’après Anicet-Bourgeois et Francis Cornue

Créé à Milan, Teatro alla Scala, le 9 mars 1842

 

Nabucco : Amartuvshin Enkhbat

Abigaille : Anna Pirozzi

Zaccaria : Riccardo Zanellatto 

8 : Massimo Giordano

Fenena : Enkelejda Shkoza

Grand-Prêtre de Baal : Martin Hässler

Abdallo : Grégoire Mour

Anna : Erika Baikoff

 

 

Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon

Direction : Daniele Rustioni

 

 

Crédits photo : Blandine Soulage 

 
9 novembre 2018 - Nabucco (Verdi) au Théâtre des Champs Elysées.
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