Jouer les mouvements d’une même symphonie intercalés avec des airs d’opéras semble vouloir devenir une mode. Mode qui me semble un peu étrange car elle nuit évidemment à la narration qu’a voulu le compositeur, et parce qu’elle vient intercaler dans le programme de ce soir une symphonie celebrissime entre des airs de compositeurs différents voire entre des airs extraits d’un même opera, comme ce fut le cas pour les deux airs tirés de La Clémence de Titus. C’est d’autant plus dommage que le programme reflétait une forte cohérence de style et de période, se limitant à quelques années de la vie musicale viennoise, sans aucun écart.
L’exécution du 1er mouvement, scie de la musique « classique » s’il en est, ne parvient pas à surprendre l’auditeur en dépit d’une manifeste volonté de moderniser l’interprétation, intention qui est gâchée par des équilibres mal maîtrisés qui mettent très en avant les vents. Ce problème d’équilibre ne s’estompera que très progressivement au cours des trois mouvements suivants et seul le 4ème mouvement, ciselé et enlevé surnagera d’une interprétation un peu trop plan-plan, en particulier l’exécution franchement lourde et brouillonne du 3eme mouvement. En revanche, la Danse des Furies est emmenée avec talent et vivacité même si elle est, elle aussi, affectée par les problèmes d’équilibre des pupitres.
Magdalena Kožená semble particulièrement crispée en début de soirée, la voix paraît un peu rebelle, avec un vibrato qu’elle peine à maîtriser. De fait, l’interpretation des premiers airs en conservera quelque chose d’un peu artificiel, même si les trilles de l’air alternatif de Suzanne qu’elle a retenu sont superbes. La libération viendra avec la Cantate Berenice de Haydn dans laquelle on retrouve complètement les qualités techniques et le timbre superbe de Magdalena Kožená. C’est absolument superbe et techniquement irréprochable. Dramatiquement, Magdalena Kožená est d’une présence quasi incandescente, traduisant avec un bonheur égal les états âmes successifs de son héroïne.
Le ''Di questa cetra'' (Il Parnassso confuso) est un moment de plaisir accompli, aux trilles somptueux. Les deux airs extraits de La Clémence de Titus sont également particulièrement réussis, qu’il s’agisse du ''Deh, per questo istante'' superbement vocalisé ou du ''Parto, parto'', très assuré et magnifiquement exécuté, excellemment secondé par la clarinette inspirée de Antony Pay.
Devant une salle manifestement conquise, Magdalena Kožená donnera deux bis, extraits des Noces de Figaro. Tout d'abord l’air de Chérubino (''Voi che sapete''), exécuté avec une sorte d’ironie malicieuse puis un air alternatif (de Suzanne ai-je cru comprendre) du dernier acte des Noces de Figaro, air dont Magdalena Kožená précise qu’il est resté inachevé (orchestration achevée par Charles Mackerras si j’ai bien entendu). Ce ''Non temer amato bene'' est digne des grands airs d’aristocrates de Mozart et Magdalena Kožena s’en régale manifestement.
Programme et distribution :
Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 40 K. 550 (1er mouvement)
Gluck (1714-1787)
« O del mio dolce ardor », air extrait de Paride e Elena
Danse des furies, extrait d’Orfeo ed Euridice
Mozart
« Giunse alfin il momento », « Al desio di chi t’adora », airs extraits des Nozze di Figaro
Symphonie n° 40 (2e mouvement)
Haydn (1732-1809)
Cantate « Berenice, che fai? »
Mozart
Symphonie n° 40 (3e mouvement)
Gluck
« Di questa cetra », air extrait de Il Parnaso confuso
Mozart
« Deh, per questo istante », air extrait de La Clemenza di Tito
Symphonie n° 40 (4e mouvement)
«Parto, parto », air extrait de La Clemenza di Tito
Bis :
''Voi che sapete'' et ''Non temer amato bene'' airs extraits des Noces de Figaro.
Magdalena Kožená, mezzo-soprano
Orchestra of the Age of Enlightenment, direction Giovanni Antonini