Si la version française entendue il y a deux ans dans cette même mise en scène est une rareté, il existe de nombreuses versions en italien. La première, sans ballet et amputée du Ier acte fut créée à ... Londres, Covent Garden, le 4 juin 1867. Suivirent une version pour Bologne (octobre 1867), pour Naples (1872), pour Milan (1884), pour Modene enfin (1886). C’est cette version qui est retenue pour cette série de représentation.
La mise en scène de Krzysztof Warlikowski n’appelle guère d’autres commentaires que ceux de la version française, il y a deux ans (Ici).
Arrivé en retard à cette première de la seconde distribution, je n’ai pas entendu les deux premiers actes. Le compte rendu qui suit ne porte donc que sur les actes III, IV et V.
Cette première constituait les débuts de Michael Fabiano à l’Opera de Paris. Il incarne un Carlo déséquilibré, au bord de la rupture mentale. Le timbre est très agréable, la voix sonore parfaitement adaptée à la taille de Bastille. Si le chant est superbement coloré et les nuances bien travaillées, l’interprétation est néanmoins parfois un peu caricaturale, frustre, et souffre légèrement de la comparaison avec ses partenaires. Nicole Car est éblouissante de sensibilité. Elle confine à l’excellence au dernier acte, dans lequel elle donne à entendre les qualités de souplesse et de justesse d’une voix superbement nuancée qui lui autorise un chant palpitant, élégant, virtuose. René Pape dispose toujours de moyens impressionnants et il donne à entendre un Philippe égaré, aviné et désespéré. Mais la méforme prend le dessus dans « Ella giammai m’amo », dont la ligne est un peu malmenée. Elle impose au chanteur une concentration précautionneuse qui donne un côté trop lisse au chant. Toutefois le duo qui suit avec le Grand Inquisiteur est remarquable. Dans ce rôle,Vitalij Kowaljow belle basse au timbre plutôt clair, incarne un personnage sournoisement inquiétant.
Etienne Dupuis est un Posa d’excellence. Il déploie un chant maîtrisé, pur, dans lequel l’émotion dépasse la technique. Il est particulièrement impressionnant dans la scène de la mort de Posa, dans lequel il fait montre d’exceptionnelles qualités de couleurs et de nuances.
Grande triomphatrice de la soirée, Anita Rachvelishvili se coule avec une évidente délectation dans cette Eboli sensuelle et perverse. Dans une forme extraordinaire, sa voix envahit tout l’espace sonore de Bastille, domine et ses partenaires et l’orchestre. Le chant se module avec une aisance stupéfiante et se plie à la moindre intention de l’interprète. « O don fatale » est un modèle du genre.
Parmi les seconds rôles, tous irréprochables, Eve-Maud Hubeaux et Julien Dran sont respectivement unTebaldo et un Conte di Lerma de luxe.
Dans la fosse, Fabio Luisi donne une lecture subtile de cette œuvre difficile et équilibre parfaitement les différentes prestations. L’orchestre de l’Opera suit parfaitement ses intentions. Le chœur enfin est très présent . Il est exceptionnel dans le dernier acte.
Programme et distribution :
Don Carlo
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Opéra en cinq actes
Livret de Joseph Méry et Camille du Locle, traduit en italien par Achille de Lauzières et Angelo Zanardini
Créé à Modène, le 29 décembre 1886
Mise en scène : Krzystof Warlikowski
Décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak
Lumières : Felice Ross
Vidéo : Denis Guéguin
Chorégraphie : Claude Bardouil
Dramaturgie : Christian Longchamp
Filippo : René Pape
Don Carlo : Michael Fabiano
Rodrigo :Étienne Dupuis
Il Grande Inquisitore : Vitalij Kowaljow
Un frate : Sava Vemić
Elisabetta di Valois : Nicole Car
La Principessa Eboli : Anita Rachvelishvili
Tebaldo : Eve-Maud Hubeaux
La voce del cielo : Tamara Banjesevic
Il conte di Lerma : Julien Dran
Deputati fiamminghi : Pietro di Blanco,Daniel Giulianini, Mateusz Hoedt,Tomasz Tiago Matos, Danylo Matvilenko
Un araldo real : Vincent Morell
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Direction : Fabio Luisi
Crédits photographiques : © Vincent Pontet / Opéra national de Paris