8 novembre 2019 - Ernani (Verdi) au Théâtre des Champs Elysées.
Cette version de concert de Ernani poursuit l’exploration des œuvres du jeune Verdi que propose le TCE en coproduction avec l’Opera de Lyon, et toujours sous la direction de Daniele Rustioni. Après Attila () et Nabucco, c’est donc à un rare Ernani(Ici) que nous étions conviés.
Ernani, fruit d’une commande du directeur de La Fenice est la première des dix collaborations de Verdi avec Piave. Le succès fut immédiat, et fulgurant : 32 théâtres jouèrent Ernani en 1844, année de la création, plus de 60 en 1845 et autant en 1846. Incontestable réussite donc, marquée par une incontestable invention mélodique, une écriture dramatique soignée, une succession de solos très réussis, des chœurs amples et la caractérisation des voix masculines qu’on retrouvera dans le Verdi de la maturité avec ce soin particulier apporté à la voix de baryton.
On attendait Francesco Meli, précédé d’une flatteuse réputation d’interprète de référence du rôle. Il campe en effet un Ernani héroïque, soucieux d’une ligne vocale pure et dispensant une expressivité d’une grande élégance. Le timbre, très italien, convient parfaitement au ténor héroïque et juvénile voulu par Verdi. Mais ce soir, les aigus tendent parfois au strident et la voix peine à s’alléger pour donner toutes les nuances requises. Carmen Giannattasio n’est pas vraiment un soprano lirico spinto et ne possède pas les moyens du rôle. Si les premières notes graves sont joliment colorées, elle détimbre très rapidement et tend à crier les aigus. La cabalette d’entrée est ainsi plutôt ratée, et elle n’en vient que difficilement à bout. Par la suite, elle parvient à maîtriser son registre aigu et à dominer les ensembles mais ce sentiment qu’elle s’époumone est assez désagréable et lui faudra quelques huées aux saluts.
Heureusement, le Carlos d’Amartuvshin Enkhbat, déjà apprécié ici l’an dernier en Nabucco, est tout simplement excellent. Le timbre séducteur s’appuie sur une voix puissante et une projection impeccable. Facile dans le haut du registre, la voix est parfaitement homogène sur l’ensemble de la tessiture du rôle. Les progrès depuis le Nabucco sont impressionnants : la maîtrise technique du style de ce Verdi jeune est impressionnante et les nuances et piani qui émaillent ce chant sont enchanteurs. Le public l’a très justement et longuement ovationné aux saluts. Également très applaudi, le Silva de Roberto Tagliavini est tout en interiorisation, en pudeur. Le timbre est chaud, profond et la composition dramatique de ce personnage complexe est particulièrement réussie.
Les seconds rôles sont également remarquables. J’ai autant apprécié le ténor Kaëlig Boché qui nous donne un excellent Riccardo que le baryton-basse Matthew Buswell dont le Jago est bien présent ou encore la voix de la très précise Margot Genet, belle interprète de Giovanna.
Daniele Rustioni met toute son énergie au service d’une partition qu’il sert avec autant de bonheur que Nabucco et Attila. Il exploite les qualités de l’orchestre national de Lyon dont les bois et les cuivres sont particulièrement convaincants et celle des Chœurs dont la précision et l’enthousiasme ne feront jamais défaut. Rapide, énergique, sans concession, sa direction est un bonheur d’engagement, d’attention et d’équilibre, qui sert parfaitement cette partition exceptionnelle dont les ressorts dramatiques sont ainsi mis en évidence.
Programme et distribution :
Ernani
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Opéra en quatre actes
Livret en italien de Francesco Maria Piave
Créé le 9 mars 1844 à Venise, theatro La Fenice
Ernani : Francesco Meli
Elvira : Carmen Giannattasio
Don Carlos : Amartuvshin Enkhbat
Don Ruy Gomez de Silva : Roberto Tagliavini
Giovanna : Margot Genet
Don Riccardo : Kaëlig Boché
Jago : Matthew Buswell
Direction musicale : Daniel Rustioni
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon
Coproduction Théâtre des Champs Elysées/Opéra National de Lyon