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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


1er octobre 2020 – Concert Jaroussky – Baráth – Richardot – Gonzalez Toro au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 7 Octobre 2020, 19:30pm

Catégories : #Concert contre tenor, #Concert mezzo, #Concert soprano, #Célèbres... Ou moins, #Concert contralto

Dire que retrouver, après 7 mois, le concert en direct fut un plaisir serait rester bien en-dessous de la vérité. Dans une salle mitée par les règles de distanciation et devant un public masqué qui était particulièrement concentré et silencieux, ce concert Vivaldi fut un véritable moment de bonheur. Il est vrai que le programme de ce concert était bien alléchant, avec cette accumulation d’airs célèbres d’opéras du Prêtre Roux et une affiche prometteuse.

Le concert débute par la sinfonia de l’Olimpiade qui se place d’emblée au plus haut niveau. L’énergie des musiciens est considérable : très investis, à l’évidence heureux de jouer et de jouer ensemble, ils trouvent les équilibres dès le 1er coup d’archet. Les nuances se multiplient sous la belle direction enthousiaste de Julien Chauvin. Ces impressions ne se démentiront à aucun moment de la soirée, que ce soit dans l’accompagnements attentif des solistes ou dans le deuxième orchestral, la Sinfonia en sol mineur dans laquelle le violon de Chauvin est éblouissant.

Emiliano Gonzalez Toro débute un peu difficilement : si sa technique vocale lui permet d’affronter les redoutables difficultés du « Non tempesta … », la projection pêche franchement et nous prive d’une caractérisation dramatique suffisante même si ce problème semble s’estomper un peu sur la fin de l’aria. Les mêmes difficultés de projection et de volume entachent son deuxième air, « Il piacer della vendetta », dans lequel il parvient néanmoins à mettre en valeur un beau timbre vaillant, dont il fait chatoyer les couleurs et les nuances. En revanche, il semble libéré dans sa 3ème prestation (« Tu vorresti … ». Le style y est d’une grande pureté, s’appuie sur une longueur de souffle assurée et c’est simplement beau et superbement émouvant.

Lucile Richardot est dotée d’une très belle voix qu’elle sait plier avec aisance à ses intentions d’interprète. Le matériau est toutefois un peu épais dans le bas medium ce qui me gêna beaucoup dans le « Sovvente il sole ». Mais l’articulation et l’interprétation sont soignées et les capacités de nuances d’une voix qui sait s’alléger créent malgré tout beaucoup d’émotion, surtout en complicité avec le très beau violon de Julien Chauvin. Je l’ai trouvé plus convaincante dans « Frema pur », aux graves superbes, à la vocalise incarnée mais aussi impeccablement chantée (à un petit dérapage près) et aux très belles ornementations. Dans son dernier air (« Come l’onda …), Lucile Richardot est en difficulté avec une voix qui s’affine vraiment beaucoup dans les vocalises et quelques problèmes de justesse.

Emőke Baráth n’a pas une voix immense mais elle délivre des airs de bravoure échevelés, parfaitement en place et incarnés à la perfection. La virtuosité qui ne lui fait jamais défaut n’est pas privilégiée par rapport à l’incarnation.  Saisie d’une rage sacrée dans « Armatae face … », ou accablée de douleur (« Alma oppressa »), elle est impeccable. Mais l’élégie convient malgré tout mieux à sa voix et la démonstration en sera éclatante dans « Vede orgogliosa l’onda » dans laquelle elle déploie avec une immense aisance des couleurs vibrantes. La voix est homogène sur tout le registre, les graves sont superbes et les notes de passage gérées avec aisance : le tout procède d’une rare élégance de style.

Tenue très sobre et ne se présentant que le dernier dans le programme du récital, Philippe Jaroussky donne une leçon de chant dès le « Vedrò con mio diletto » dont il livre une interprétation magistrale. Tout en nuances, le chant se coule parfaitement dans la sobriété d’un orchestre obsessionnel. La technique est souveraine, particulièrement les appuis, remarquables. Il est encore plus convaincant dans « Gelido in ogni vena », s’appuyant sur une remarquable longueur de souffle, une musicalité à toute épreuve et pliant son timbre exceptionnel aux besoins dramatiques de l’incarnation. J’ai été moins convaincu par le « Se in ogni guardo », air rapide à vocalises magistralement exécuté mais dans le style duquel la voix de Jaroussky peine à incarner le personnage, comme si la concentration nécessaire à ces airs vertigineux gênait les capacités dramatiques de Philippe Jaroussky.

Les quatre chanteurs se sont retrouvés pour un charmant « Aura placide… », chanté à 4, puis, en bis pour un extrait de L’Olimpiade et une interprétation à 4 du duo « In braccio a te la calma » (Il Giustino) non moins délicieux.

Ces quatre solistes ont fait preuve, exactement comme le Concert de la Loge, d’un investissement sans faille au service de cette superbe musique, en nous délivrant le fruit d’un travail que l’on sent acharné, méticuleux et respectueux du compositeur et son époque, loin des abus de démonstrativité de certains autres interprètes. Le public, qui leur a fait un triomphe, ne s’y est pas trompé.

 

Programme et distribution

Antonio Vivaldi (1678-1741) : Airs et extraits d’opéras

 

Philippe Jaroussky, contre ténor

Emőke Baráth, soprano

Lucile Richardot, contralto

Emiliano Gonzalez Toro

 

Le Concert de la Loge

Direction : Julien Chauvin

 

L’Olimpiade, ouverture - premier mouvement

« Non tempesta che gl’alberi sfronda », air extrait de La Fida ninfa - Emiliano Gonzalez Toro

« Sovvente il sole », air extrait d’Andromeda liberata - Lucile Richardot

« Armatae face et anguibus », air extrait de Juditha Triumphans - Emőke Baráth

« Vedro con moi diletto », air extrait de Il Giustino - Philippe Jaroussky

« Il piacere della vendetta », air extrait de Il Giustino - Emiliano Gonzalez Toro

« Aura placide et serene », trio extrait de La Verita in cimento – A quatre voix

Sinfonia en sol mineur RV 156, Allegro

« Frema pur », air extrait de Ottone in villa - Lucile Richardot

« Tu vorresti col tuo pianto », air extrait de La Griselda - Emiliano Gonzalez Toro

« Alma oppressa da sorte crudele », air extrait de La Fida ninfa - Emőke Baráth

« Gelido in ogni vena », air extrait d’Il Farnace - Philippe Jaroussky

« Come l’onda con voragine orrenda e profunda », air extrait de Ottone in villa - Lucile Richardot

« Vede orgogliosa l’onda », air extrait de La Griselda - Emőke Baráth

« Se in ogni guardo », air extrait d’Orlando finto pazzo - Philippe Jaroussky

 

Bis, à quatre :

 

- Extrait de l’Olimpiade

- « In braccio a te la calma » air extrait de Il Giustino.

 

credits photographiques : (c) Jean-Yves Grandin

1er octobre 2020 – Concert Jaroussky – Baráth – Richardot – Gonzalez Toro au Théâtre des Champs Elysées.
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