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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


10 novembre 2021 - Eugène Onéguine (Tchaïkovski) au Théâtre des Champs Elysées

Publié par Jean Luc sur 11 Novembre 2021, 13:36pm

Catégories : #Opera mis en scene

Au lieu d’une adaptation du poème en vers de Pouchkine, Tchaïkovski choisit de mettre en musique quelques scènes du destin des trois principaux protagonistes, Onéguine, Lenski et Tatiana. L’absence de continuité de l’histoire narrée par l’opéra conduit Tchaïkovski à privilégier une exécution la plus simple possible, raison pour laquelle il confia la création de son œuvre aux étudiants du Collège impérial de musique. Rencontrant un succès immédiat, l’œuvre fut reprise au Bolchoï en 1881, puis à Saint-Pétersbourg (1883 puis 1884), Prague, Hambourg, Londres, Nice, Paris (1911), New York (1920). L’opéra est marqué au sceau du romantisme, consacrant des pages superbes au thème du temps qui passe, des amours perdues, des amitiés trahies, de la passion amoureuse et des regrets.

Passons rapidement sur la mise en scène décevante et d’une immense banalité de Stéphane Braunschweig. Même si elle accumule les incohérences (par exemple l’herbe verte des salons, la chambre mansardée de Tatiana, digne de La Bohème ou le duel se déroulant dans un salon) ou les contresens (le cabaret échangiste louche pendant la polonaise de l’acte III), du moins ne nous distrait-elle pas de la musique.

Et c’est heureux car le travail que réalise Karina Canellakis avec l'Orchestre National de France est somptueux. La partition est ciselée, disséquée avec amour, les pupitres se répondent et les thèmes sont mis en évidence. Sous l’impulsion précise de sa cheffe, l’orchestre se pare de couleurs chaudes et chatoyantes qui soutiennent le drame qui se joue avec efficacité. Le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux est moins convaincant et semble manquer un peu d’homogénéité mais peut-être est-ce dû à une mise en scène qui le sollicite beaucoup au détriment de la qualité musicale.

Marcel Beekman livre un Monsieur Triquet ridicule à souhait et vocalement très efficace. Yuri Kissin plie sa voix sombre au double rôle de Zaretski et du Capitaine, rôles qu’il assume avec efficacité. Delphine Haidan joue de son contralto qu’elle fait vibrer dans des graves maitrisés et colorés. Jean Teitgen est impeccable en Prince Grémine, dans lequel sa basse se déploie avec beaucoup de beauté. Mireille Delunsch en Larina est une figure maternelle de grande distinction, au phrasé toujours aussi remarquable. Olga est interprétée par une Alisa Kolosova, dont les moyens sont gigantesques et la projection impressionnante. En dépit de cela, elle parvient sans peine à composer une Olga légère, infantile et un rien écervelée.

La Tatiana de Gelena Gaskarova est un peu décevante. Elle incarne la jeune fille romantique et coupée de la réalité avec une forme d’indifférence au monde peu crédible au regard de la frémissante passion que suggèrent et le texte et la musique. La voix manque de projection, notamment dans le medium, souvent couvert par l’orchestre ou ses partenaires. Elle donne à entendre cependant un air de la lettre émouvant et maitrisé.

Jean-François Borras est un Lenski incandescent, éperdu d’amour et égaré dans son idéal romantique et morbide. Son air au II est un modèle d’exécution et d’interprétation, mettant en valeur une voix d’une beauté rare.

Jean-Sébastien Bou est également remarquable en Onéguine. Cynique puis désespéré, finalement rattrapé par des sentiments tellement rejetés, il se sert de son timbre chaud et naturel et de sa projection puissante pour alterner phrasés amples et phrasés tendus donnant à entendre toute l’ambiguïté du personnage.

Servie par une distribution rassemblant beaucoup de très belles voix et par une cheffe à la fibre romantique, cette production a rencontré un grand succès en ce soir de première.

Programme et distribution :

 Eugène Onéguine

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)

Opéra (scènes lyriques) en trois actes

 

Livret en russe de Constantin Chilovski, d’après Pouchkine

Créé à Moscou (Théâtre Maly) le 29 mars 1879

 

Madame Larina : Mireille Delunsch

Tatiana : Gelena Gaskarova

Olga : Alisa Kolosova

Lenski : Jean-François Borras

Eugnène Onéguine : Jean-Sébastien Bou

Prince Grémine : Jean Teitgen

Filipievna : Delphine Haidan

Le Capitaine / Zaretski : Yuri Kissin

Monsieur Triquet : Marcel Beekman

Danseurs : Cécile Fargues, Justine Lebas, Ilario Santoro, Stanislas Siwiorek

 

Mise en scène : Stéphane Braunschweig

Chorégraphie : Marion Lévy

Costumes : Thibault Vancraenenbroeck

Lumières : Marion Hewlett

 

Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, direction Salvatore Caputo 

Orchestre National de France

 

Direction musicale : Karina Canellakis

 

Crédits photos : © Vincent Pontet

10 novembre 2021 - Eugène Onéguine (Tchaïkovski) au Théâtre des Champs Elysées
10 novembre 2021 - Eugène Onéguine (Tchaïkovski) au Théâtre des Champs Elysées
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