C’est la faveur et l’appui inconditionnel de l’impératrice Joséphine qui permit à Spontini d’entrer à l’Opéra avec La Vestale en 1807. S’il n’est plus aujourd’hui un compositeur des plus connus, il fut néanmoins très applaudi de son vivant et mena une carrière très active, cumulant des postes prestigieux. Spontini est un authentique passeur entre l’âge classique et le romantisme naissant et son influence sur les grands compositeurs et les styles du XIXe siècle est très importante : de Rossini à Berlioz en passant par Bellini et Meyerbeer, il préfigura et le grand opéra français et l’opéra romantique italien.
Sur un livret d’Etienne de Jouy refusé par les compositeurs officiels de l’époque (Cherubini et Mehul notamment), Spontini compose La Vestale en 1805. La création en 1807 fut un véritable triomphe ; l’œuvre atteignit la centième représentation en 1816 et la deux-centième en 1830. Par la suite, l’œuvre ne disparut jamais tout à fait des scènes, grâce aux divas qui souhaitaient se confronter à l’exigeante tessiture requise pour chanter Julia, de Rosa Ponselle à Montserrat Caballe en passant par Maria Callas. La Vestale est un ouvrage majeur dans la transition entre le néoclassicisme de Gluck et le romantisme de Bellini. Cette composition de transition mêle ainsi un chant très déclamatoire, appuyé sur du récitatif expressif, et une musique orchestrale aux raffinements romantiques, exploitant beaucoup les cuivres et les vents, correspondant aux tableaux monumentaux proposés au public.
La direction de Christophe Rousset réussit parfaitement le pari de restituer l’œuvre dans sa dimension originale et de la remettre dans son contexte musical et historique et souligne avec un plaisir gourmand les innovations de la composition, mettant en avant avec subtilité les différents pupitres. Mais l’emphase avec laquelle il souligne certains tableaux est parfois, en l’absence de mise en scène, un peu excessive et engendre une forme de lassitude de l’oreille, notamment la fin de l’acte I qui m’a semblé interminable et ennuyeuse. Les Talens lyriques suivent les intentions de Rousset avec beaucoup de bonheur mais sont parfois débordés par la fougue qu’il exige, ce qui était flagrant (et déplaisant) dans la tempête du III.
Le chœur de la radio flamande, aux timbres très clairs, est excellent, chacune de ses interventions étant pesée au trébuchet et correspondant impeccablement aux exigences variées de la composition.
La distribution de cette version de concert est irréprochable jusque dans une diction du français qui se doit d’être excellente pour répondre à la volonté de résurrection de la version originale.
Marina Rebeka entre avec une robe qui se veut probablement une référence en forme de clin d’œil à Maria Callas. Elle excelle dans la tenue d’une ligne pure, d’une déclamation sobre (en particulier l’émouvant monologue du II) et sait jouer à l’infini des nuances, passant de l’expression de tourments intimes à la violence des sentiments. Elle réussit à insuffler un lyrisme maitrisé dans les très belles pages du III.
Stanislas de Barbeyrac, un peu timide au Ier acte, se coule parfaitement dans le même style. L’écriture, qui le maintient dans le medium, peut sembler trop contraignante, mais elle met en valeur un timbre superbe dans ce registre et lui permet de jouer sur une expressivité naturelle remarquable. Sa confrontation avec le Grand Pontife au III est un combat titanesque et bouleversant.
Le choix d’un baryton pour Cinna est un peu curieux puisqu’il ne correspond pas à la distribution originale (ténor) mais Tassis Christoyannis est parfait dans ce rôle dont il module la tendresse et les états d’âme un peu frustes. Nicolas Courjal adopte le même parti-pris déclamatoire, et fait sonner son très beau timbre dans une incarnation d’un Pontife sévère, perfide et mal intentionné. La voix et le timbre atypique d’Aude Extremo correspondent parfaitement à la Grande Vestale dont elle met en avant la sévérité mais aussi les sentiments quasi maternels. David Witczak chante les rôles d’un Consul et du Chef des Aruspices d’une belle voix au timbre agréable.
Crédits photographiques : © Gil LeFauconnier
Programme et distribution :
Gaspare Luigi SPONTINI (1774-1851)
LA VESTALE
Tragédie lyrique en trois actes
Livret en français de Victor-Joseph-Etienne de Jouy
Créé à l’Opéra de Paris (salle Montansier) le 15 décembre 1807
Julia : Marina Rebeka
Licinius : Stanislas de Barbeyrac
Cinna : Tassis Christoyannis
La Grande Vestale : Aude Extrémo
Le Grand Pontife : Nicolas Courjal
Un Consul, le Chef des Aruspices : David Witczak
Les Talens Lyriques
Chœur de la Radio flamande, chef de Chœur Thomas Tacquet
Direction musicale : Christophe Rousset