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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


22 janvier 2023 – Concert Michael Spyres & Lawrence Brownlee au Théâtre des Champs-Elysées

Publié par Jean Luc sur 25 Janvier 2023, 19:00pm

L’affiche était alléchante et les deux ténors ont été à la hauteur du défi en offrant à un public survolté une soirée tout à fait délectable, dont le bel canto rossinien a constitué le plat de résistance.

Premier air du concert, le « Se di lauri, il crine adorno », chanté par Brownlee donne d’emblée la preuve que cette soirée sera de haut niveau. La ligne est impeccable, le souffle inépuisable et les aigus d’une incroyable précision. Certes la caractérisation est moins époustouflante et le bas medium trouve vite ses limites mais le plaisir est là. Avec un morceau du bien moins connu Latilla, Spyres se jette dans un air aux écarts vertigineux, avec des attaques impeccables dans l’aigu et une agilité proprement prodigieuse. Justifiant le « Rivali » du titre de la soirée, les deux ténors enchainent avec un duo rossinien extrait du Riccardo dans lequel Spyres déploie un medium absolument superbe mais semble moins agile (l’effet des excès de l’air précédent ?) tandis que Brownlee domine sa partie avec une aisance réjouissante. Ce seront ensuite les duos extraits d’Elisabetta et d’Otello dans lesquels les deux chanteurs rivalisent de contre-ut, de virtuosité et d’ornementations en tous genres, à défier un dictionnaire des techniques de chant belcantiste. On s’amuse, on s’ébaudit mais l’émotion semble parfois être la parente pauvre de cette débauche d’agilité.

Après l’entracte, la deuxième partie du programme est plus disparate, moins construite que la première. Le Guillaume Tell de Brownlee a un peu manqué, à mon goût, de l’esprit du grand opéra à la française mais la beauté des attaques du Manrico de Spyres n’appelle que des éloges, même si l’ampleur nécessaire à ce grand rôle verdien fait parfois défaut. Le célèbre duo des Pêcheurs de perles est déroulé sans anicroche mais sans que l’on ressente cette vibration intérieure si particulière à cet air. Les quatre mélodies napolitaines, habituellement réservées aux bis dans les concerts, sont exécutées avec un enthousiasme communicatif et un enchaînement incessant de prouesses vocales que plus rien ne semble pouvoir arrêter.

En bis, « La donna e mobile » (Rigoletto) et « Ah mes amis, quel jour de fête ! » (La Fille du régiment), sont chantés en duos, dans un numéro très rodé et, il faut le reconnaître, parfaitement réussi. L’enthousiasme du public justifiera un troisième rappel, avec la reprise du duo d’Otello dont l’exécution vocale confine au délire tant les deux chanteurs rivalisent d’ornements, de suraigus et de virtuosité.

Même si on peut avoir quelques réserves sur ce numéro bien rodé qui privilégie la prouesse à l’expressivité et à l’incarnation, et qui relève d’une conception (désuète ?) de l’art lyrique dans laquelle l’émotion du spectateur/auditeur procède essentiellement de la performance vocale, il faut bien reconnaitre que cela fonctionne à merveille et que les deux ténors ont l’enthousiasme et la jovialité communicatifs.

Seul bémol, mais de taille, à cette soirée, la très piètre performance de David Stern qui martèle lourdement les tempi et qui délivre du décibel à foison, jusqu’à couvrir à plusieurs reprises les interprètes. Les pupitres d’Opera Fuoco sont mal équilibrés, souvent en limite de justesse et certains départs sont approximatifs. Par charité, on s’abstiendra de commenter outre mesure l’exécution désordonnée de l’ouverture de la Clémence, celle, pire encore, de l’Italienne à Alger qui confine au massacre, seule la grosse caisse semblant en capacité d’assurer les crescendo ! Saluons toutefois les bois de cet orchestre qui ont sauvé la plupart des morceaux rossiniens par la clarté de leur ligne et la beauté de leurs couleurs.

Programme et distribution :

RIVALI E AMICI

Michael Spyres, ténor

Lawrence Brownlee, ténor

Opera Fuoco

David Stern, direction

 

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

La Clemenza de Tito, ouverture

Mitridate, « Se di lauri il crine adorno » (L. Brownlee)

Gaetano Latilla (1711-1788)

Siroe, « Se il mio paterno amore » (M. Spyres)

Gioachino Rossini (1792-1868)

Ricciardo e Zoraide, « Donala a questo core… Teco or sarà » (duo)

L'Italiana in Algeri, ouverture

Elisabetta, Regina d’Inghilterra « Deh! scusa i trasporti » (duo)

Otello, « Ah vieni, nel tuo sangue » (duo)

Gioachino Rossini

Guillaume Tell, « Asile héréditaire… Amis, secondez ma vengeance » (L. Brownlee)

Giuseppe Verdi (1813-1901)

Il Trovatore, « Ah si ben mio…Di quella pira » (M.  Spyres)

Georges Bizet (1838-1875)

Les Pêcheurs de perles, « Au fond du temple saint » (duo)

Symphonie en ut (3e mouvement)

Gioachino Rossini

Les soirées musicales, No. 8, « La danza » (L. Brownlee)

Ruggero Leoncavallo (1857-1919)

« Mattinata » (M. Spyres)

Eduardo Di Capua (1865-1917)

« O sole mio » (duo)

Francesco Paolo Tosti (1846-1916)

« Marechiare » (duo)

Bis :

-      « La donna e mobile » (Rigoletto)

  • « Ah mes amis, quel jour de fête ! » (La Fille du régiment)
  • « Ah vieni, nel tuo sangue » (Otello)
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