21 mars 2023 – Concert Karine DESHAYES & Marina REBEKA au Théâtre des Champs-Elysées

Publié par Jean Luc sur 23 Mars 2023, 18:08pm

Catégories : #Chouchous, #Concert mezzo, #Concert soprano, #Dive et divi

Véritable célébration belcantiste que ce concert au programme ne reculant pas devant les difficultés et qui associe deux des meilleures spécialistes du genre, habituées à chanter ensemble sur scène de surcroît.

Une part non négligeable du succès de cette soirée est due à la baguette attentive et exigeante de Speranza Scapucci qui veille aussi bien aux équilibres avec ses deux interprètes qu’aux couleurs et au son de l’orchestre de chambre de Paris, dont les cordes sont entrainées avec un dynamisme contagieux par le supersoliste Dmitry Smirnov. Cette maitrise de la direction est évidente dès le prélude de Maria Stuarda, saisissant, et se confirme de façon éclatante dans une ouverture de Semiramis rossinienne en diable et dans laquelle la mise en valeur des instruments est exceptionnelle.

Le jeu de ce type de concert est celui de la rivalité des interprètes, de la comparaison. Mais il faut ici saluer la composition d’un programme qui fait la part belle aux duos (quatre au total en y comptant celui des Noces chanté en bis) et qui permet de mettre en valeur l’entente musicale et artistique des deux chanteuses attentives l’une à l’autre sans jamais négliger la caractérisation de leurs personnages. Le duo d’Anna Bolena qui conclut la 1^ère partie en est la démonstration éclatante, l’entente des deux chanteuses portant l’émotion à son comble, émotion soutenue par les pianissimi bouleversants de Karine Deshayes. De même l’affrontement d’Elisabetta ou les raffinements inouïs du duo de Norma prennent le public aux tripes et ne le lâchent pas. Jusqu’au duettino mutin des Noces dans lequel les deux cantatrices prennent un plaisir évident à alléger la palette des affects exposée pendant tout ce concert.

Marina Rebeka est souveraine dans ces rôles de reines et de prêtresses qu’elle parvient à faire vivre d’un regard, d’un mouvement du bras ou d’une inclinaison de tête. Actrice bien sûr, mais aussi chanteuse à la technique incomparable : la voix est superbe même si le suraigu tend parfois à se durcir, à s’acidifier mais les couleurs du medium et la capacité de Marina Rebeka à les faire varier est incroyable. Les variations sont d’une grande pureté de style et sa scène de Maria Stuarda est une leçon de chant belcantiste, comme le sera sa scène finale de Bolena, privée toutefois de sa cabalette. J’ai été moins touché par son Casta Diva, qui lui a pourtant valu une énorme ovation de la salle, mais que j’ai trouvé un peu trop passé « en force », manquant de nuance et de piano.

Si Marina Rebeka était impressionnante, Karine Deshayes était, elle, au sommet. J’ai parlé plus haut de sa participation soignée et engagée dans tous les duos mais lorsqu’elle est en solo, on ne peut que rester admiratif de ce timbre chaud aux mille couleurs, de cette voix très homogène capable d’une virtuosité et d’une vitesse stupéfiantes et d’aigus tranchants, de cette technique qui sert une infinité de nuances. « Bel raggio lusinghier » est un pur bijou chatoyant et j’ai encore dans l’oreille le trille inattendu et superbe qu’elle réussit à y glisser.

Ce fut donc un très beau moment de pur belcanto que le public a longuement salué, debout.

Crédits photographiques : (c) Jean-Yves Grandin

Programme et distribution :

FEMMES DE POUVOIR

Karine DESHAYES, mezzo-soprano

Marina REBEKA, soprano

Orchestre de chambre de Paris

Speranza SCAPPUCCI, direction

Gaetano DONIZETTI (1797-1848)

Maria Stuarda,