De la mise en scène de Benoit Jacquot, pourtant très mise en avant par la communication de l'Opéra, il n'y a pas grand chose a souligner. Certes, les décors sont beaux et dépouillés et le parti pris d'éviter toute transposition nous repose et évite d'affadir le drame. Mais force est de constater qu'il y a peu d'idées, que les chœurs sont traités de manière extrêmement statique, que l'inversion des genres dans le ballet lors de la fête chez Flora comme de faire d'Annina une servante noire sont des bien curieuses idées dont on évitera de chercher le sens, et que le positionnement dans la salle d'Alfredo pour le "Sempre libera" n'est pas conforme aux besoins des équilibres musicaux....
La direction de Francesco Ivan Ciampa, prenant la suite de Daniel Oren m'a particulièrement irrité. Les tempi voulus par Verdi ne sont respectés que dans le dernier acte et nous assistons à un ralentissement délibéré de l'œuvre, ralentissement d'ailleurs brouillon et le plus souvent incohérent, qui vise probablement à nous prouver que les deux préludes sont dignes de Malher.....Si ce choix donne une force indéniable à la phrase "saria per me sventura un serio amore" qui sonne comme un résumé de l'œuvre des l'acte I, c'est bien là le seul intérêt de cette "lecture". Le reste du temps, elle conduit à nous ennuyer et accroît les difficultés (pourtant déjà bien réelles) de certains airs comme l'éprouveront Ludovic Tezier dans le "pura siccome un angelo" ou Francesco Demuro dans sa cabalette du même acte.
La distribution des seconds rôles est de bon niveau et tous tirent leur épingle du jeu. Mais, à l'exception de Nicolas Testé, vraiment convaincant en Grenvil, l'ensemble paraît excessivement conventionnel et sans prise de risque.
Reste le trio autour duquel se noue le drame. Ludovic Tezier est au sommet, le timbre est somptueux, même si je trouve que son incarnation de Giorgio Germont est trop humaine, trop compatissante. Cette lecture du rôle, qui peut se défendre, affadit le drame et tendrait, avec une autre partenaire que Diana Damrau à appauvrir le rôle de Violetta. Il n'empêche que son "Di provenza" est un modèle du genre, cantabile parfait, legato exemplaire....
L'Alfredo de Francesco Demuro est excellent, stylé et très précis : la voix est claire, juvénile, parfaitement conduite même si on peut regretter quelques effets "italiens" qui n'apportent pas grand chose à l'interprétation. La projection est peut être un peu limitée mais l'immensité de Bastille n'aide pas à en juger correctement. S'il semble un peu emprunté au 1er acte, l'interprétation est bouleversante sur toute la suite de l'œuvre. Et le couple formé avec Diana Damrau est crédible, convaincant, tragique et bouleversant. Du grand art...
Reste l'exceptionnelle Violetta de Diana Damrau. C'est une des plus grandes interprètes de Violetta qu'il m'ait été donne d'entendre. Tout dans son chant et son interprétation est mesuré, pesé, maitrisé. La voix est d'une beauté incontestable, le timbre particulièrement lumineux et plastique (tour à tour, et toujours très convaincant, charnel, jouisseur, désespéré, mystique....). La technique parfaitement maîtrisée se plie à tous les désirs de l'interprète : pianissimi, colorature, aigus solaires, cris..... Le rôle est totalement intériorisé et assumé. Et j'aime cette lecture qui souligne bien plus la misère affective de Violetta plus que son destin dans un monde d'hommes impitoyables traditionnellement mise en avant.
17 juin 2014 - La Traviata (Verdi) à Bastille
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