Rossini a 20 ans lorsqu'il écrit cet opéra, la même année que La Scala di seta vue ici l'an dernier sous la même baguette. Et l'esprit du maestro Rossini était bien présent dans la représentation (en version de concert) de cette farce en musique en un acte.
Le livret empile les poncifs de situation caractéristiques de la grosse farce et ne présente qu'un intérêt des plus limités. Mais la musique du compositeur de 20 ans déborde de l'énergie qui sera sa signature et d'un sens du comique, de l'ironie qui respirent la vie même.
Enrique Mazzola est le chef idéal dans ce répertoire. La direction est d'une fougue et d'une verve qui rendent justice au compositeur. Un sens du rythme et de la sonorité qui soulignent ici le pupitre des bois et le cor, les accelerando typiquement rossiniens et les pizzicati de cordes. L'équilibre des masses de l'orchestre est impeccable ( et ce, dés la tempête de l'ouverture) ainsi que celui de l'orchestre et des voix. Bref on aura du mal à trouver plus rossinien que Mazzola parmi les chefs d'aujourd'hui, surtout lorsqu'il dirige un Orchestre national d'Ile-de-France en grande forme et qui prend un plaisir manifeste à jouer.
Quoiqu'il s'agisse d'une version de concert, les interprètes, le chef et quelques musiciens se sont attachés à marquer quelques éléments de mise en scène, particulièrement réussis et bienvenus.
Désirée Rancatore qui n'avait pu assurer la Scala di Seta, est présente et bien présente. Le timbre est plus velouté que chez beaucoup de coloratures (dépourvu de ces acidités que je n'apprécie pas beaucoup) et il confère une grande séduction au personnage de Berenice, par ailleurs magistralement caractérisé . Le registre est très homogène, les aigus brillants, la projection et la puissance parfaitement adaptées à la taille de la salle et à l'enthousiasme de la direction. Et la soprano ne manque pas de vaillance, affrontant avec bonheur et humour les pyrotechnies du rôle et couronnant le presto final (qui sera bissé) d'un contre ré impérial....
Dans le rôle d'Alberto, Yijie Shi est une très belle découverte. La voix est très naturelle, le timbre masculin et les premières notes sont étonnantes tant ce timbre n'est pas celui du ténor léger qu'on attend. Le timbre est beau, la ligne de chant sans défaut. Les vocalises sont conduites avec panache et sans effort apparent. Si le sur aigu tend à être un peu blanc, surtout face à la qualité de celui de Désirée Rancatore, on a là un très beau ténor rossinien, élégant et crédible, qui a été très applaudi.
Le baryton Bruno Taddia interprète un Parmenione truculent. Belcantiste dans l'âme, la technique est sans défaut et se joue des difficultés dont Rossini s'est plu à émailler ce rôle de basso buffa. Autre très belle découverte, la mezzo Sophie Pondjiclis qui campe une Ernestina mutine, voire coquine : technique belcantiste éprouvée, très beau timbre, projection impeccable. A celà s'ajoute une indéniable présence vocale et scénique qui suffit à donner envie de l'entendre dans des premiers rôles rossiniens.
Un peu plus décevants ont été l'Eusebio de Krystian Adam, tenor que j'avais apprécié dans d'autres spectacles mais qui semblaient hier comme absent de la production, et le Martino d'Umberto Chiummo qui a manqué singulièrement de puissance et de précision.
Mais, in fine, c'était une représentation d'un niveau exceptionnel et le public l'a salué comme telle.
13 février 2015 - L'occasione fa il il ladro (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées.
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