Selon le programme de salle, cet opera d'Herold fut un des grands succès du XIXème siècle, joué plus de 1600 fois à l'Opera Comique entre sa création (1832) et le dernier rideau (1949) avant cette re-création en 2015. De fait, cette musique m'était totalement inconnue. On ne parlera pas pour autant d'ouvrage majeur mais plutôt de témoignage patrimonial de ce qu'ont pu être les grandes heures de l'opéra comique.
C'est peut être là que se situe la principale faiblesse de la direction de Paul Mc Creesh qui tire beaucoup la lecture vers une forme "d'italianité" qui rappelle beaucoup Rossini et parfois Bellini. Au delà de ce parti pris, peut être légitime, la direction m'a semblé assez peu contrastée, et, dans une œuvre qui multiplie chœurs et ensembles plutôt que soli, trop peu fouillée pour mettre en évidence des subtilités qui sont pourtant perceptibles dans la partition.
La mise en scène de Eric Ruf est très sobre et s'applique à servir le livret fidèlement ce qui est suffisamment rare pour qu'on y applaudisse et pour qu'on passe sur des décors un peu pauvres et des éclairages un peu crus. Mais la direction d'acteurs est présente et facilite grandement les passages du parlé au chanté, toujours un peu redoutables dans les opéras comiques ainsi que la compréhension d'une intrigue tres film de cape et d'épée et un peu embrouillée.
L'orchestre Gulbenkian est enthousiaste et délivre une riche palette de couleurs mais certains ensembles manquent sensiblement de netteté et parfois de précision. Les chœurs Accentus sont en revanche impeccables même s'il leur faut affronter un orchestre qui joue souvent un peu trop forte.
Le choix de Marie Lenormand pour le rôle de Marguerite de Valois est étrange. Certes, elle possède les indispensables talents d'actrice pour incarner réellement cette meneuse de jeu mais les couleurs sombres de son beau timbre de mezzo sonnent curieusement et la mettent en difficulté dans un rôle qui appelle me semble t'il un soprano dramatique.
Jael Azzaretti incarne une Nicette frivole et séduisante à souhait et son beau timbre de soprano léger se joue des difficultés de la partition. En Comminge, Emiliano Gonzalez Toro, dont le rôle ne comporte hélas pas d'air solo, est remarquable par son engagement et son beau timbre de tenor agrémente les ensembles. Le Cantarelli d'Eric Huchet est désopilant : bel acteur et beau tenor. Le Girot de Christian Helmer met en valeur une technique parfaite et un timbre de baryton basse superbe mais le chanteur est peut être un peu jeune pour ce rôle qui tend vers la basse bouffe et je n'ai pas compris ce choix de rouler assez outrancièrement les "r".
Isabelle de Montal est interprétée par l'excellente Marie Ève Munger qui se joue des difficultés de la partition : vibrante émotion et superbe legato dans la romance du Ier acte et feu d'artifice de vocalises, cocottes et roulades dans « Jours de mon enfance ». Superbe soprano colorature qui allie une belle agilité dans l'aigu, un suraigu bien coloré et une tessiture remarquablement charnue dans ses autres compartiments. Enfin Michael Spyres, splendide tenor rossinien qui donne au rôle de Mergy une vaillance bienvenue et qui affronte sans faillir le redoutable air du I et ses passages de registre meurtriers tout en ornementant avec un goût très sur et en assurant une diction quasi parfaite.
L'ensemble laisse un goût plaisant et délassant, le sentiment d'avoir passé une belle soirée, probablement comme ce que recherchaient les bourgeois parisiens de la Monarchie de Juillet qui ont fait triompher cette œuvre.
2 avril 2015 - Le Pré aux Clercs (Herold) à l'Opera Comique.
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