Première de la création en France de cet opéra seria de Vinci sur un livret de Metastase, représenté pour la 1ere fois à Rome début 1728, cette représentation fait suite aux résurrections, également initiées par Max Emmanuel Cencic du Siroe de Hasse et surtout de l’Artaserse du même Vinci qui avait triomphé à Versailles l’an dernier (http://operaphile.over-blog.com/2014/03/19-mars-2014-artaserse-vinci-a-versailles.html).
Et on retrouve l’excellence et l’enthousiasme qui avaient caractérisé les précédentes redécouvertes du répertoire seria du Settecento. L’œuvre est construite toute entière sur l’opposition entre l’idéal républicain romain vieillissant (incarné par Caton) et la tyrannie impériale débutante (César). Si on retrouve la dynamique et la flambloyance d’Artaserse, si certaines novations sont remarquables (l’inattendu quatuor final), l’acte I m’a néanmoins semblé d’une écriture inférieure aux deux autres actes et à Artaserse, avec une exposition de l’action et des personnages reposant sur des recitatifs un peu trop présents, voire franchement longuets.... La limite de la résurrection d'œuvre sur qui n'étaient pas vraiment écrites pour des spectateurs assis dans le noir.....
Si les costumes sont brillants (à tous les sens du terme), les décors sont plus classiques et, en dépit d’une certaine beauté, ne permettent guère de situer l’action ou de lui donner un sens, d’autant que l’usage répété –et absolument volontaire- des projections en noir et blanc sur le fond de scène avec un cadre de scène également dessiné en noir et blanc finissent de perturber nos repères. La mise en scène est peu visible et la direction d’acteurs semble négligée, laissant les chanteurs aux prises avec quelques postures un peu caricaturales.
Mais une fois passées ces quelques réserves, l’éblouissement est total. Une fois de plus Il Pommo d’Oro est remarquable, emmené par l’exigeante baguette de Riccardo Minasi. Ils trouvent en permanence des sonorités justes et alternent avec un égal bonheur les flamboyances baroques des airs de bravoure, les langueurs amoureuses, les colères impériales ou paternelles, les désespoirs amoureux. C’est peut-être l’orchestre qui, en dépit de la distribution prestigieuse et parfaitement remarquable, est le protagoniste le plus admirable de la représentation.
Juan Sancho en Catone est simplement … impérial. A la beauté du timbre et à des remarquables qualités techniques s’ajoutent désormais une interprétation d’une sensibilité et d’une subtilité vibrantes. A ses côtés, dans le rôle de l’allié Arbace, Max Emmanuel Cencic dispense son beau phrasé et son timbre velouté, toujours aussi à l’aise dans l’élégie comme dans la « bravura ». Très belle interprétation d'un rôle à l'écriture moins valorisante que celle du rôle de César !
Dans le rôle difficile de Marzia, Ray Chenez progresse tout au long de l’œuvre. Un peu tendu au début, avec une émission un peu trop serrée et une projection limitée, son art va se déployer peu à peu et il trouvera à partir du II, soutenu par une impeccable technique, les accents féminins nécessaires pour incarner cette jeune femme amoureuse, entêtée et versatile et finalement obéissante. De même, dans l’autre rôle féminin (Emilia) Vince Yi m’a fait forte impression, gommant ce que le timbre pouvait avoir par le passé d’un peu acide à mes oreilles.
Du côté des « impériaux », le jeune ténor Martin Mitterrutzner est doté d'une solide technique, d'une projection aisée et d'un très beau timbre. Il rend justice au rôle de Fulvio auquel il prête une vraie densité. Franco Fagioli enfin qui reste incontestablement le maître de ce répertoire. Aux prises avec un orchestre souvent déchaîné, il combat avec honneur les cuivres et les percussions, déploie un aigu rayonnant et une technique à toute épreuve. Reste que la complexité du personnage n'est pas toujours rendue par un chant qui avait tendance, en ce soir de première, à privilégier un peu trop la performance par rapport à la caractérisation. Il a néanmoins été longuement ovationné, ainsi que Il Pommo d'Oro et son chef.
Distribution :
Franco Fagioli, Cesare
Juan Sancho, Catone
Max Emanuel Cencic, Arbace
Ray Chenez, Marzia
Martin Mitterrutzner, Fulvio
Vince Yi, Emilia
Jakob Peters-Messer, mise en scène
Il Pomo d’Oro
Riccardo Minasi, direction
16 juin 2015 -Catone in Utica (Vinci) à l’Opéra royal de Versailles
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