Une minute de silence très impressionnante et une vibrante Marseillaise par les chœurs et les solistes ont précédé cette représentation d'une reprise de la production de Laurent Pelly de 2006.
La mise en scène de Laurent Pelly a conservé toute son efficacité et la force irrésistible de sa douce et nostalgique drôlerie. Dans ce cadre d'une Italie des années 50 de cinéma, l'intrigue trouve impeccablement sa place.
J'ai été plus que déçu par la direction de Donato Renzetti, que j'ai trouvé sans tenue, pour ne pas dire débraillée dans les ensembles, d'une lourdeur digne d'une lecture des années 50 (cf par exemple le massacre de l'ouverture), et semblant totalement insensible aux interprètes et aux sonorités d'un orchestre habituellement des plus hauts niveaux. Difficilement pardonnable quand on a à disposition pareille distribution...
Heureusement, les chœurs, dirigés par José Luis Basso, sont à la hauteur de leur réputation d'homogénéité et de precision. Leur engagement dans l'action est permanent et ils font ainsi émerger un personnage à part entière. C'est d'ailleurs cet engagement total de tout le plateau (solistes, chœurs, figurants) dans leur volonté d'échange avec la salle qui est un des éléments les plus remarquables de cette soirée et qui rend la piètre prestation de Renzetti encore plus regrettable.
La Gianetta de Melissa Petit est une très belle découverte, à la voix déjà très posée en dépit de son jeune âge et aux talents de comédienne indéniables. Le Belcore de Mario Cassi est moins convaincant. Le timbre est séduisant mais ses interventions sont très souvent un peu brouillonnes, d'une justesse approximative (notamment l'air d'entrée) et la projection semble insuffisante dans l'immensité de Bastille, au surplus avec des éléments de décor qui n'offrent que peu de réverbération (les bottes de foin sont ici loin d'être idéales....). L'interprétation qui gomme la fatuité du personnage et son ridicule (intentionnellement semble t'il) ne m'a guère convaincue, non plus.
Tout à l'opposé, le Dulcamara d'Ambrogio Maestri est un monument de truculence et de cynisme. Appuyée par une voix solide, impeccablement projetée et au beau timbre mat, la performance scénique est remarquable et atteint des sommets dans les scènes avec Alagna dans lesquelles l'émulation jubilatoire des deux artistes est palpable.
Aleksandra Kurzak incarne totalement Adina et colle parfaitement à la représentation que l'on peut s'en faire. Elle dévoile avec talent toutes les facettes d'une Adina beaucoup plus complexe que la plupart des interprétations qui n'en font qu'une coquette ou une amoureuse un peu fade. La voix, manque un peu de puissance pour Bastille et, même si A Kurzak ne cherche jamais à passer en force, elle m'a, elle aussi, semblé un peu gênée par le manque de subtilité de la direction et le manque de réverbération du dispositif scénique. Mais la voix est belle, le timbre frais et séduisant, dépourvu de toute acidité que l'on trouve parfois chez les sopranos légers, l'aigu rayonnant et la science du bel canto et du legato incontestables.
Reste Alagna qui produit en Nemorino une mémorable interprétation. Tout en souplesse vocale, il déploie un phrasé d'une très grande élégance, une diction et une ligne de chant impeccables et des ornementations au goût assuré. Le timbre est rayonnant, très beau, et les aigus sont aisés et d'un naturel époustouflant . Son "Lagrima" est un vrai moment de grâce, avec cet écho du redoutable piano initial dans un pianissimo final qui lui a valu un très gros succès. L'interprète, l'acteur est également à très haut niveau. Oubliant son statut de ténor star, il joue de la dérision, faisant de Nemorino un touchant et séduisant benêt : il court, saute, se roule par terre, oublie son âge et nous le fait oublier. Énorme, simplement !
18 novembre 2015 - L'elisir d'amore (Donizetti) à Bastille.
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