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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


24 octobre 2016 - Samson et Dalila (Saint-Saëns) à l'Opera de Paris (Bastille)

Publié par Jean Luc sur 26 Octobre 2016, 06:25am

Catégories : #Opera mis en scene

24 octobre 2016 - Samson et Dalila (Saint-Saëns) à l'Opera de Paris (Bastille)
 
Samson et Dalila cumule les aspects contradictoires. C’est quasiment le seul opéra connu d’un compositeur pourtant star de son temps qui en composa douze. Entamée en 1859, la création de cet opéra n’interviendra en France que le 3 mars 1890 (au Théâtre des Arts de Rouen). Œuvre emblématique de la musique française, elle fut pourtant créée en allemand à Weimar, à l’initiative de Liszt (2 décembre 1877). Comme nombre d’œuvres de Saint-Saëns, la double influence de Berlioz et de Wagner y est nettement perceptible. Inspiré d’un mythe biblique, le livret fait néanmoins l’impasse sur tous les éléments spectaculaires de l’histoire de Samson : le lion, les 300 renards, la victoire contre les 1.000 philistins à coups de mâchoire d’âne, les sept tresses… Le débat sur la nature de l’œuvre, enfin, oratorio (aux actes I et III notamment) ou opéra (l’acte II) continue d’agiter les spécialistes…
 
Depuis 1991, Samson et Dalila n’avait pas été représenté à l’Opéra de Paris. C’est dire si cette série de représentations était attendue, surtout après l’heureuse résurrection de Proserpine à Versailles, en version de concert, il est vrai (voir : http://operaphile.over-blog.com/2016/10/11-octobre-2016-proserpine-camille-saint-saens-a-l-opera-royal-de-versailles.html).
 
La mise en scène de Damiano Michieletto relève plus que correctement le défi de donner à voir une œuvre principalement conçue pour l’écoute (toujours le modèle de l’oratorio...). La représentation est ainsi émaillée de nombreuses scènes particulièrement fortes, dérangeantes voire violentes : les jeux sadiques d’Abimélech et de ses soldats au détriment des captifs hébreux, le songe de Samson au cours duquel il anticipe son aveuglement, l’humiliation des esclaves pendant la bacchanale, la destruction du temple…. D’autres intentions sont plus curieuses (la liaison de Dalila et du Grand Prêtre) voire contraires avec celles du livret (l’ambiguïté d’une Dalila amoureuse, contrainte de trahir Samson et s’immolant par le feu à la fin de l’œuvre ou encore la soumission de Samson se coupant lui-même les cheveux). Malgré ces outrances d’interprétation et en dépit d’éclairages très banals (Alessandro Carletti), il s’agit néanmoins d’une mise en scène forte, bien soutenue par les décors de Paolo Fantin et les costumes contemporains de Carla Teti.
 
Philippe Jordan est justement acclamé à la fin de la représentation. Dès les premières mesures, on perçoit qu’on va vivre un moment d’exception et que chef et orchestre sont en état de grâce. La richesse symphonique de l’orchestration de Saint-Saëns, la multiplicité des couleurs et des accents, l’inventivité mélodique, tout cela est rendu avec une infinie délicatesse et une infinie puissance. Ce remarquable travail analytique ne nuit ni à la puissance de la partition, ni, au II, à sa charge érotique. Les chœurs atteignent également à un niveau d’excellence, avec une présence particulièrement bouleversante pendant le 1er acte et une prestation remarquable au cours du 3ème, qui rendent particulièrement justice à l’écriture savante de Saint-Saëns.
 
25 longues années sans Dalila et soudain Anita Rachvelishvili. La voix est ample, parfaitement projetée, d’une remarquable homogénéité sur un registre étendu. Les graves sont capiteux et sonores, l’aigu est brillant, les coloris variés et nuancés. La diction en français est quasiment parfaite et la composition de Dalila, malgré les curieuses ambiguïtés voulues par le metteur en scène, est d’une rare intensité. Le pouvoir érotique de Dalila est palpable tout au long de l’œuvre, tout comme les immenses qualités d’actrices de la mezzo géorgienne qui atteint un sommet dans sa longue confrontation avec Samson au IIème acte. Au Ier acte, l'interprétation piano et sur le souffle,  du fond de la scène et face à l’énorme masse orchestrale, de « Printemps qui commence » est un moment de grâce et d’anthologie. Immense chanteuse !
 
Je suis plus réservé sur le Samson de Aleksandrs Antonenko. La voix est claire, puissante et bien projetée, l’aigu est rayonnant et sa vaillant produit de nombreux effets saisissants (le « Trahison ! » de l’acte II par exemple). Pourtant, à cause d’une prononciation du français trop médiocre et faute d’une technique suffisante du chant français, il ne parvient pas à se hisser aux cimes qu’atteint Anita Rachvelishvili et souffre un peu de la comparaison.
 
Le Grand Prêtre d’Egils Silins a une belle voix de basse dont le timbre s’accorde merveilleusement à celui d’Anita Rachvelishvili, ce qui nous offre un superbe duo du IIème acte. Pour le reste, il semble un rien ordinaire, d’une égalité de timbre et d’intention un peu trop marquée, peut être en raison de l’étrange composition d’amant de Dalila que lui impose la mise en scène. 

Nicolas Testé est impeccable et compose un Abimélech odieux et terrifiant. Il semble en grande forme vocale. Nicolas Cavallier incarne aussi avec un grand bonheur le Vieil Hébreu : les graves sont sonores, le timbre intense et la composition est particulièrement émouvante.
 
Le public a fait un triomphe à cette représentation, triomphe à mon sens amplement justifié. Je regrette simplement que l'on n'ait pas su trouver (chercher?), un ténor et un baryton français pour défendre le retour de ce pilier du répertoire. Encore une belle occasion ratée par l'Opera de mettre en avant les talents qui brûleraient de se mesurer à de tels rôles....

24 octobre 2016 - Samson et Dalila (Saint-Saëns) à l'Opera de Paris (Bastille)
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M
bien lu ton article sur cet opéra que j'affectionne particulièrement....et que je connais par coeur !!! je suis d'accord avec toi en ce qui concerne l'orchestre , les choeurs et la la chanteuse...pour le reste je reste en retrait, j'avoue que sur un vieux souvenir de 30ans a Londres , j'en suis sortie un peu frustrée..Mais bon la musique est tellement attachante que j'ai oublié le reste... Quoique les mitraillettes me sont restées sur l'estomac !!!!!
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J
Ah mais les mitraillettes, c'est désormais une figure imposée des mises en scène d'opéra...

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