12 mai 2017 - Les Pêcheurs de Perles (Bizet) au Théâtre des Champs Elysées.

12 mai 2017 - Les Pêcheurs de Perles (Bizet) au Théâtre des Champs Elysées.

Financée par subvention publique, la création des Pêcheurs de Perles eut lieu au Théâtre du Châtelet (alors Theatre-Lyrique) le 30 septembre 1863. Bizet a alors 25 ans et il est titulaire du Grand Prix de Rome de composition musicale. L'opéra connut des fortunes très diverses ; si à la création la musique fut jugée trop wagnérienne, c'est surtout dans un livret véhiculant nombre des poncifs éculés de l'opéra qu'il faut rechercher la cause de cette relative infortune. Et pourtant cet ouvrage contient quelques superbes pages qui font la gloire des récitals et des enregistrements, comme la Romance de Nadir, ou le thème de La Déesse qui porte le duo de Nadir et Zurga, ou encore le superbe duo Nadir/Leïla. 

Cette version de concert du Théâtre des Champs Elysées, venue de Lille, réunissait, dans une salle pleine et enthousiaste, un quatuor prometteur de jeunes chanteurs français, quatuor qui a relevé le gant avec panache et talent. De ces quatre là, on louera l'élégance du chant, la clarté de la diction et la grande élégance du phrasé. Luc Bertin-Hugault est un Nourabad présent, doté d'un très beau timbre de basse, tres chaleureux, voire peut être trop car il donne comme un air de tendresse à ce rôle qui reste toutefois un rôle de méchant. Le Zurga de Florian Sempey est une vraie réussite, capable de nuances impressionnantes : aux notes les plus délicates, négociées avec une belle projection, il fait succéder des éclats de chefs tyranniques qui disparaissent dans des piani presque murmurés lorsque c'est l'ami de Nadir qui s'exprime. Julie Fuchs est une Leila radieuse, qui domine sa partie avec autorité, le timbre épanoui voire sensuel, la voix agile et l'aigu aérien. Son interprétation est particulièrement remarquable dans l'incarnation de l'évolution de son personnage, très réussie.

Mais c'est le Nadir de Cyrille Dubois qui appelle les plus grandes louanges et qui se verra réserver un vrai triomphe par la salle. Il n'était pourtant pas évident de se mesurer à un rôle dans lequel les plus grands se sont illustrés. Son Nadir est d'une exquise fragilité, la voix d'une intelligence rare qui se déploie sur chaque syllabe, sur chaque intonation, au service du texte. Le timbre est haut mais plein, projeté avec vaillance. Le plus remarquable est peut être le sens des nuances, comme par exemple cette façon de terminer la Romance comme en glissant dans un silence. Cyrille Dubois, Julie Fuchs et Florian Sempey : ces trois là sont très complices et savent jouer de leurs voix. Ils nous donnent ainsi à entendre de superbes duos et subliment la partition.

Malheureusement, la direction d'Alexandre Bloch n'est pas à la hauteur du remarquable quatuor vocal qui lui a été offert. S'il sait très bien équilibrer les masses de l'Orchestre national de Lille, le conduire vers de très beaux piani et accompagner avec délicatesse les arias solos de ses chanteurs, sa direction appelle de nombreuses réserves. Dès que la partition quitte les rivages de la déclamation et de l'élégie, la masse sonore devient vite tonitruante et rigide, écrasant les nuances au profit de ff-fff certes enlevés et rythmés mais sans âme et sans délicatesse. Ce parti pris écrase la plupart des ensembles dans lesquels les solistes sont parfois en difficulté et le choeur y perd sa diction, et, tout occupé à son combat contre l'orchestre y perd toute netteté et toute précision. Plus étonnant encore, cette absence de couleurs se conjugue à une lecture qui refuse l'exotisme d'une partition qui l'assume pourtant pleinement et dont c'est l'un des charmes !