12 décembre 2017 - concert Fagioli (Haendel) au Theatre des Champs Elysées.

Faut-il encore rappeler ce qui fait de Franco Fagioli un des plus étonnants chanteurs  de sa génération ? Les trois octaves extraordinairement homogènes de sa voix, l’intensité des interprétations, la remarquable technique, la qualité des ornementations, la longueur de souffle, la couleur particulière et mordorée du timbre, le culot d’aller chercher des graves de poitrine d’une incroyable noirceur... tout ceci concourt à faire un événement de chacune de ses apparitions sur scène.

Il revient à Paris, et au baroque, avec un programme Haendel de toute beauté, en avant première du CD qui sortira en janvier prochain. Pour cette soirée il est accompagné par le Kammerorchesterbasel, dirigé par son 1er violon, Julia Schröder. Cet accompagnement, très engagé et aux cordes incisives, sera somptueux tout au long de la soirée ; remarquable aussi sera l’interprétation des 3 concerti grossi de l’opus 3 qui mettront très en valeur les hautbois baroques.

Dès son air d’entrée martial, Fagioli fait montre de toutes ses qualités techniques et de sa virtuosité. Les trilles sont particulièrement superbes. Et c’est le sens du phrasé, l’art du lamento et la longueur de souffle qu’il met en évidence dans l’air d’ Imineo qui suit. Il retrouve Jules César dans le très virtuose dialogue avec le violon de « Se in fiorito ameno prato ». Les deux musiciens se répondent, s’imitent, se défient avec talent et bonheur.  « Cara sposa » bénéficie d’une attaque d’une précision et d’une douceur rares, et le phrasé est totalement poignant, orné de superbes nuances jusque dans des aigus maîtrisés. A l’inverse « Agitato da fiere tempeste » qui suit est un torrent de vocalises siderantes auxquelles pas une note ne manque.

En seconde partie, la maîtrise technique s’affirme davantage encore dans les vocalises et les ornementations toujours plus culottées, avec des changements de registre impressionnants, à défaut toutefois d’être toujours élégants. Le « Scherza infida » est une véritable démonstration de talent, tant Fagioli y déploie d’expressivité et de maîtrise technique, fichant un aigu d’une pureté insolente. Enfin, « Dopo notte » couronne littéralement ce programme avec un chant dépouillé qui paradoxalement ne recule devant aucun effet. 

Trois bis pour conclure la soirée :

• un « Crude furie » de Serse, éblouissant de santé après un tel programme
• À la demande d’une spectatrice « Lascia ch’io pianga », remarquablement exécuté mais où commence à percer la fatigue. Il y fera chanter le public, l’invitant du geste (et non sans un zeste d’ironie) à triller
• Enfin, une pétulante reprise du « Agitato da fiere tempeste » (Oreste) qui concluait la 1ère partie.

C’était indéniablement un des plus beaux concerts de Franco Fagioli, auquel le public, un peu clairsemé (effet de la grève des transports ?), a réservé un énorme succès.

PROGRAMME : 

Franco Fagioli, contre-ténor
Kammerorchester Basel
Julia Schröder, premier violon et direction

GEORG FRIEDRICH HAENDEL (1685 - 1759)
Giulio Cesare

Ouverture
« Presti omai l’Egitzia terra » (Cesare)

Imeneo
« Se potessero i sospir’ miei » (Tirinto)

Giulio Cesare
« Se in fiorito ameno prato » (Cesare)

Concerto grosse op.3 nº4 en fa majeur

Rinaldo
« Cara sposa » (Rinaldo)

Oreste
« Agitato da fiere tempeste » (Oreste)

Alcina
« Mi lusinga il dolce affetto » (Ruggiero)

Il pastor fido
« Sento brillar nel sen » (Mirtillo)

 Concerto grosso op.3 nº3 en sol majeur

Ariodante
« Scherza infida » (Ariodante)

Concerto grosso op.3 nº2 en si bémol majeur

Ariodante

« Dopo notte » (Ariodante)

Bis

Serse

« Crude furie » (Serse)

Rinaldo

« Lascia ch’io pianga » (Almirena)

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