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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


14 décembre 2017 - Le Barbier de Séville (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées

Publié par Jean Luc sur 17 Décembre 2017, 19:45pm

Catégories : #Opera mis en scene

14 décembre 2017 - Le Barbier de Séville (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées

 

Créé le 20 février 1816 au Teatro Argentina de Rome, le Barbier de Séville est une tentative de renouer avec le succès de l’opéra éponyme de Paisiello. Cet ouvrage, qui reste le plus célèbre de Rossini, et qui tient le haut du répertoire depuis deux siècles, connut pourtant un bel échec au soir de la première. La cabale fut telle qu’il fut quasiment impossible d’entendre une seule note, l’œuvre étant couverte par les rires et sifflets, à l’exception de la cavatine de Rosina qui remporta un vif succès.

 

L’histoire de l’ouvrage regorge d’anecdotes plus ou moins établies ou démontrées. Ainsi Rossini l’aurait composé en treize jours. Ce qui est exact, c’est que la malencontreuse sérénade du I (la chanson espagnole initiale accompagnée par une guitare mal accordée, dont, de plus, une corde cassa, fut le déclencheur de la bronca de la première) fut remplacée dès la deuxième représentation par « Ecco ridente in cielo », emprunté à Aureliano, comme le serait l’ouverture qui aurait été perdue. De même, on a longtemps soutenu que l’aria de la leçon de musique était perdue, permettant aux interprètes de Rosine de se livrer à des démonstrations de virtuosité de leur goût, allant jusqu’à interpréter plusieurs airs tirés d’ouvrages célèbres d’autres compositeurs, transformant la leçon de musique en véritable petit récital accompagné au piano forte.

 

Cette co-production du Théâtre des Champs-Élysées, de l’Opéra National de Bordeaux, de l’Opéra de Marseille et du Théâtre de la Ville de Luxembourg, présente la belle idée de deux distributions dont l’une -celle dont nous rendons compte ici - est composée de « jeunes talents  ».

 

La mise en scène de Laurent Pelly est un hommage appuyé à la musique, le décor étant composé de feuilles de portées dont les lignes peuvent venir séparer les espaces, matérialiser un balcon ou une porte close. L’ambiance est au clin d’œil, dans une ambiance inspirée du comique en noir et blanc, cartoon, du Pirate des Caraïbes et des Deschiens. La direction d’acteurs est remarquable et ne se limite pas à une succession de gags mais compose des personnages qui suscitent notre intérêt, dont chaque mouvement semble porteur d’une intention, dans le respect des archétypes de l’opera buffa. On sourit et on rit beaucoup ! La seule réserve que l’on pourrait avoir, est que, dans l’acoustique difficile du TCE, un décor ouvert n’aide vraiment pas à la projection des voix et complique la tâche des interprètes.

 

Le plaisir est conforté par la direction pétillante de Jérémie Rhorer qui conduit le Cercle de l’Harmonie sur instruments anciens, allégeant ainsi le volume sonore de l’orchestre dont les bois sont mis en avant. Comme toujours méticuleux et disséquant la partition, Jérémie Rhorer prête une attention soutenue aux équilibres et à ses jeunes chanteurs et nous livre du meilleur Rossini.

 

Mais, au delà du travail excellentissime de la direction et de la mise en scène, ce sont ces jeunes chanteurs qui apportent une énergie incroyable à l’ouvrage. 

 

Guillaume Andrieux brûle littéralement les planches et apporte à son rôle de deus ex machina mâtiné de Jack Sparrow une intensité tout à fait remarquable. Portrait de Rossini tatoué sur le biceps, son Figaro est omniprésent et impertinent. Le timbre est agréable, d’un beau baryton mat, très homogène et Guillaume Andrieux est très à l’aise, y compris dans les ensembles, les crescendo et les accelerando. De la belle ouvrage.

 

Elgan Llŷr Thomas compose un très bel Almaviva, au timbre clair et léger dont la technique ne sera prise en défaut à aucun moment, ni dans « Cessa di piu resistere » ni dans le rondo final. Si la virtuosité et l’agilité sont parfaitement maîtrisées, et dignes des meilleurs ténors rossiniens, on sent toutefois encore la concentration et conséquemment une palette de nuances et de couleurs qui ne se libère pas complètement.

 

La Rosina d’Alix Le Saux est piquante à souhait. Son très beau timbre de mezzo sait parfaitement s’alléger pour ce rôle dont elle affronte avec bonheur l’écriture difficile et virtuose. De l’ensemble de la distribution elle semble néanmoins la plus gênée par l’absence d’aide à la projection que créé le décor.

 

Pablo Ruiz est un Bartolo bouffe à plaisir, dont la grotesque et cupide prétention est soulignée de façon permanente. C’est un barbon de grande envergure qui nous est donné, et le « A un dottore » est un grand moment de chant rossinien. Guilhem Worms fait montre de qualités vocales et techniques impressionnantes, très prometteuses. Certes sa « Calomnia » fut ce soir là entachée d’un petit loupé mais quelle grande basse nous tenons là ! Eleonore Pancrazi a presque trop de santé vocale pour Berta qui en devient savoureusement impertinente et le Fiorello de Louis de Lavignere ne passe pas inaperçu.

 

Le choeur Unikanti, totalement intégré à l’action et à la dynamique rapide et joyeuse du plateau, est très homogène et dispense de beaux moments.

 

Beau succès aux saluts et donc pari gagné pour cette belle idée de distribution B de « jeunes talents ». Et, pour les heureux spectateurs une belle soirée de légèreté et de plaisir.

 

Programme et distribution : 

Il Barbiere di Seviglia

Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini

Livret de Cesare Sterbini, d’après Beaumarchais 

Créé à Rome, Teatro Argentina, le 20 février 1816

Direction musicale : Jérémie Rhorer

Le Cercle de l’Harmonie

Choeur Unikanti, direction Gaël Darchen

Mise en scène, scénographie et costumes : Laurent Pelly

Scénographe associé : Cléo Laigret

Costumier associé : Jean-Jacques Delmotte

Lumières : Joël Adam

 

Il Conte Almaviva : Elgan Llŷr Thomas

Figaro : Guillaume Andrieux

Rosina : Alix Le Saux

Bartolo : Pablo Ruiz

Basilio : Guilhem Worms

Berta : Eléonore Pancrazi

Fiorillo : Louis de Lavignère

Ambrogio : Stéphane Facco (rôle muet)

14 décembre 2017 - Le Barbier de Séville (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées
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