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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


24 janvier 2018 - Concert Jakub Józef Orliński à la salle Gaveau.

Publié par Jean Luc sur 27 Janvier 2018, 18:45pm

Catégories : #Concert, #Récital contre tenor

 

 

24 janvier 2018 - Concert Jakub Józef Orliński à la salle Gaveau.

 

Certains compte-rendus de spectacles sont plus difficiles à faire que d’autres. Et celui de ce concert de Jakub Józef Orlinski est tout particulièrement difficile. Parce que j’avais beaucoup aimé son Orimeno dans l’Erismena de Versailles en décembre dernier (Ici ) parce qu’on ne peut qu’être sensible à son enthousiasme, à son engagement, et parce que j’aurais aimé partager l’enthousiasme de la salle Gaveau qui semblait comme transportée ce soir là. Mais rien à faire, mon sentiment est extrêmement contrasté et me reste à l’issue de cette soirée une déception, un goût d’inachevé, de rendez-vous raté et prématuré.

 

Le programme, intitulé « L’art des castrats » annonçait à l’origine des airs de Vivaldi, Haendel, Porpora et Caldara. Au soir du concert, les deux derniers ont disparu du programme qui devient un peu court et surtout sans surprise ni découverte dans sa partie vocale.

 

Jakub Józef Orliński possède un très beau timbre d’alto, au grain léger, très clair et à la belle projection, libre et précise à défaut d’être très sonore, qui s’épanouit parfaitement dans le volume de Gaveau. 

 

« Cessate omai cessate », première cantate de Vivaldi qui ouvre le concert, illustre dès les premières mesures tous les défauts que l’on retrouvera au long de cette première partie : des trilles incertains, des aigus trop souvent tirés, des ruptures de registre avec des faiblesses de projection sur les notes de passage, une diction imprécise... La longueur de souffle est parfois insuffisante et conduit à des respirations mal maîtrisées et, peut être plus grave, à un timbre qui blanchit en bout de phrases dans les vocalises. Pourtant le tempo reste toujours d’une remarquable précision et l’agilité  est impressionnante et comporte beaucoup de promesses. Dmitry Sinkovsky qui dirige Il Pomo d’Oro nous offre ensuite un superbe concerto en si bémol majeur de Telemann, dans lequel cet orchestre démontre à quel point il est une formation d’excellence. Très engagés, les musiciens font preuve d’un enthousiasme communicatif et d’une énergie toute entière tournée vers l’illustration musicale. Le 3ème mouvement est particulièrement superbe, adagio dans lequel la complicité et le plaisir  des instrumentistes sont évidents. « Amor hai vinto » qui suit montre un Orlinski à la voix davantage chauffée mais qui reste en retrait, comme étranger à ce qu’il chante, et surtout avec quelques écarts stylistiques plutôt malvenus de mon point de vue. Les défauts restent les mêmes que sur le début du concert même si les vocalises meurtrières sont assumées avec courage et un certain brio. Mais on peut prédire quelle que soit la suite de la carrière du contre ténor qu’il ne cultivera pas une grande intimité avec Vivaldi qui lui reste très étranger. 

 

Dès le début de la deuxième partie, consacrée à Haendel, on sent que Jakub Józef Orliński est beaucoup plus à l’aise. De fait, il se passe de partition. À la différence de la première partie, la voix ne se detimbre plus. Les vocalises de « Furibondo spina il vente » sont époustouflantes de précision et de netteté. Mais ces effets un peu étranges dans le haut medium subsistent, comme persiste cette façon de trop appuyer les aigus. Dans « Stille amare », les belles qualités de la voix du contre ténor qui y est superbement posée s’épanouissent et, dans cette aria, il donne enfin à entendre de vraies qualités d’interprétation jusqu’ici peu présentes. En milieu de programme, Il Pomo d’Oro interprète le concerto pour violon en ré majeur de Jean-Marie Leclair qui m’était totalement inconnu et qui fut le meilleur moment de cette soirée. Dmitry Sinkovsky y est exceptionnel dans cette œuvre dynamique et inspirée. Passons sur un air de Tamerlano dans lequel Orliński se bat trop contre des problèmes évidents de justesse pour que cette page soit sauvée par une remarquable technique dans les changements de registre. Et c’est alors que survient le miracle, dans une interprétation de « Voi che udite » avec laquelle Orliński se hisse au plus haut niveau et révèle le très grand interprète qu’il pourrait bien devenir. Les attaques sont d’une précision démoniaques et l’ensemble est réellement bouleversant.

 

Visiblement ému par la chaleur du public, Orliński donnera deux bis. Tout d’abord un réellement très très beau « Vedro con mio diletto », aria qui lui a valu une grande notoriété sur you tube (Voir). Puis, avec Dmitry Sinkovsky, par ailleurs contre ténor soprano, un « Son nata a lagrimar » qui pour improbable et discutable qu’il fut, n’en était pas moins agréable.

 

Il est probable que ce concert venait trop tôt dans une carrière encore jeune et pour une voix encore verte qui n’a pas les moyens d’affronter un tel programme. Mais Jakub Józef Orliński a courageusement relevé le gant et, au delà de limites parfois évidentes, a su montrer de grandes qualités de musicien et semble porter en lui des promesses vocales de haut niveau.

 

Programme et distribution : 

 

Antonio VIVALDI (1678-1741)

« Cessate omai cessate », cantate pour alto, cordes et continuo (RV 684)

Georg Philipp TELEMANN

Concerto en si bémol majeur (TWV 51)

Antonio VIVALDI

« Amor hai vinto », cantate pour alto, cordes et continuo (RV 683)

 

Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)

« Furibondo spira il vento » (Partenope)

« Che piu si tarda omai » (Tolomeo)

Jean-Marie LECLAIR (1697-1764)

Concerto pour violon en ré majeur op. 7 n°2

Georg Friedrich HAENDEL

« A dispetto d’un volto ingrato » (Tamerlano)

« Voi che udite » (Agrippina)

 

BIS

« « Vedro con mio diletto » (Il Giustino)

« Son nata a lagrimar » (Giulio Cesare)

 

Jakub Józef ORLIŃSKI, contre-ténor 

Il Pomo d’Oro, direction et violon solo Dmitry SINKOVSKY

24 janvier 2018 - Concert Jakub Józef Orliński à la salle Gaveau.
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