5 avril 2018 - Le Domino Noir (Auber) à l’Opéra-Comique.
C’est à la résurrection d’un des plus grands succès d’Auber mais aussi de l’Opera Comique que nous convie cette co-production de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, de l’Opéra de Lausanne et de l’Opéra Comique.
Cette œuvre d’Auber créée à l’Opera Comique le 2 décembre 1837 (année de création du Roberto Devereux de Donizetti), dont la partition a été saluée par Berlioz, sera un succès considérable du 19ème siècle. La présentation de cette nouvelle production à Paris était précédée de critiques flatteuses des représentations de Liege et le succès parisien a été au rendez-vous, avec un public très enthousiaste.
Et pourtant, je dois avouer avoir été un peu déçu et je reste un peu perplexe après cette représentation. L’œuvre en elle même est loin d’être un chef d’œuvre. Certes la musique est souvent enlevée et pétillante mais elle comporte aussi d’indéniables lourdeurs et la succession de scènes de genre ne concourt pas à une intensité, une continuité qui lui font défaut, ce qu’illustre particulièrement un acte III assez inconsistant. La direction de Patrick Davin à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (et du chœur Accentus) ne manque pas d’énergie et souligne bien le caractère joyeux et enlevé de certaines pages mais l’interprétation, à force de se vouloir vive est souvent un peu brouillonne.
Sur scène, les interprètes prennent un plaisir visible à l’exercice du théâtre parlé caractéristique de l’opéra comique et très (trop?) présent dans cette œuvre, notamment au I. Souffrant, Cyrille Dubois s’en sort avec les honneurs mais ne pouvait manifestement pas donner plus ce soir là, en dépit d’une volonté perceptible d’aller au bout du rôle. En revanche, si l’interprétation scénique de Anne-Catherine Gillet est bluffante, le vibrato très accentué qui affecte notamment son medium est un peu désagréable et ne laisse pas d’inquiéter.
Si les autres rôles sont moins gâtés par la partition, Antoinette Dennenfeld nous sert une Brigitte pétillante, particulièrement convaincante dans son air du III (« Au réfectoire, à la prière) et François Rougier (Juliano) est très présent, bien servi par un beau timbre et 7ne voix impeccablement projetée. Marie Lenormand (Jacinthe) et Laurent Kubla (Gil Perez) brillent plus par leur bel engagement et leur abattage, surtout la 1ère, que par des voix au volume modeste. Il en est de même des autres roles, distribués à des comédiens dont l’engagement est sans faille et qui semblent gourmands de leurs personnages.
Plus que les qualités artistiques de cette distribution, du moins ce soir là, c’est cette formidable énergie qui submerge le plateau et la fosse qui assure la séduction de cette représentation. Et cette énergie est au premier chef le produit du travail remarquable de Valérie Lesort et Christian Hecq dont la mise en scène très inspirée explore tous les ressorts possibles, aidée par les décors reussis de Laurent Peduzzi, les costumes loufoques de Vanessa Sannino (ah, ce porc épic !) et les marionnettes délirantes de Valérie Lesort et de Carole Allemand (le cochon de charcuterie ou les gargouilles rigolardes du couvent). On sourit beaucoup, on rit franchement souvent, les idées (bonnes) foisonnent.
Programme et distribution :
Le Domino Noir, opéra-comique en trois actes de Daniel-François Auber (1782-1871).
Livret d'Eugène Scribe, en français.
Créé le 2 décembre 1837 à l'Opéra Comique (Salle des Nouveautés).
Direction musicale : Patrick Davin
Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur Accentus
Mise en scène : Valérie Lesort et Christian Hecq
Décors : Laurent Peduzzi
Costumes : Vanessa Sannino
Lumières : Christian Pinaud
Chorégraphie : Glyslein Lefever
Réalisation marionnettes : Valérie Lesort et Carole Allemand
Angèle de Olivarès : Anne-Catherine Gillet
Horace de Massarena : Cyrille Dubois
Brigitte de San Lucar : Antoinette Dennefeld
Comte Juliano : François Rougier
Jacinthe: Marie Lenormand
Gil Perez: Laurent Kubla
Ursule : Sylvia Bergé
Lord Elford : Laurent Montel
La Tourière : Valérie Rio
Melchior : Benoît Delvaux
Photo (c) Vincent Pontet