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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


9 mai 2018 - Werther (Massenet) à l’Opéra national de Lorraine.

Publié par Jean Luc sur 11 Mai 2018, 11:30am

Catégories : #Opera mis en scene

Werther est l’un de mes opéras préférés et mes références y sont nombreuses, fondant des attentes et une exigence, nourries au jeu des représentations passées, des comparaisons et des espérances... Disons le d’emblée cette nouvelle production de Nancy est tout à fait à la hauteur des attentes qu’elle pouvait générer.

 

Plutôt banale, collant au livret, la mise en scène n’est pas le plus gros atout de la production. Assez beaux, les décors sont d’un classicisme confondant, ne retenant réellement l’attention que par leurs angoissants resserrement et dépouillement progressifs. Les très belles lumières de Linus Fellbom créent une ambiance de peinture flamande, tout à fait adaptée au texte et à l’œuvre mais moins cohérente avec l’air de  Watteau ou de Poussin des décors. La mise en scène de Bruno Ravella ne prétend pas nous imposer une vision de l’œuvre. C’est sa qualité et son défaut ; elle se borne à distiller des clés de lecture, sous forme de signaux éparpillés au long de la représentation. Elle repose beaucoup sur une très soignée et très réussie direction d’acteurs ; en guise d’illustration et pour en donner un exemple, on peut citer la scène du menuet dans laquelle les expressions d’Albert changent selon qu’il échange avec Sophie ou avec Werther.

 

La direction de Jean-Marie Zeitouni est interessante car elle s’éloigne des poncifs du romantisme et privilégie une théâtralité élégante tout en soulignant le caractère très français de la musique. Seul le prélude m’a semblé un peu pesant, un peu lent, avec des sonorités acides et m’a fait craindre de la complaisance pour des langueurs prétendument romantiques ; mais il n’en fut heureusement rien, et, passé ce tour de chauffe, c’est à une très belle prestation que s’est livré l’orchestre symphonique et lyrique de Nancy, emporté par la direction de Zeitouni. Excellente surprise, les enfants (Elèves de filière voix et chœur d’enfants du Conservatoire régional du grand Nancy) chantent juste et sont d’assez bons acteurs. Ils apportent une fraîcheur et une joie authentiques, contrastant efficacement avec la noirceur de l’œuvre, soulignée par la direction de Zeitouni qui témoigne à de nombreuses reprises de beaucoup d’attention envers le plateau. 

 

Eric Vignau et Erick Freulon (respectivement Schmidt et Johann) sont parfaitement crédibles en joyeux compères du Bailli, même si Eric Vignau nous a semblé vocalement et musicalement davantage present. Marc Barrard composé quant à lui un Bailli irréprochable, à la voix ample et solide, père bienveillant et dépassé. 

 

En Sophie, Dima Bawab apporte une touche piquante de naïveté et d’enthousiasme, fort réussie. Le timbre est toutefois un peu acide, mais il s’agit là de mes goûts et il ne faudra pas en oublier une excellente diction. Même excellence de la diction chez Philippe Nicolas Martin, qui fait exister un Albert essentiel à l’intrigue, qu’il compose avec une évidente gourmandise : de l’amoureux un peu benêt au mari enfermé dans sa logique de devoirs, incapable d’imaginer d’autres horizons et anéanti par sa jalousie qui ne lui est même pas un moteur. La voix est belle, ample, impeccablement projetée, précise, et le timbre, bellement coloré, souligne la jeunesse du personnage.

 

Edgaras Montvidas possède l’élégance et la qualité de la diction que l’on attend dans Werther. Très engagé scéniquement, il a la voix, le physique et... les notes... du rôle. C’est déjà beaucoup. Sa composition du personnage de Werther est assez réussie même si, comme la qualité de la diction française d’ailleurs, elle s’efface un peu trop lorsque la partition sollicite davantage l’interprète, notamment dans le haut du registre. Werther semble alors en colère, contre Charlotte ce qui me semble un contresens... Racé et séduisant, le timbre est idéal pour le rôle ; la ligne de chant parvient à conserver, nonobstant les difficultés de la partition, une élégance agréable. Bref, une authentique réussite que cette interprétation de Werther.

 

La plus belle part de cette soirée revient à Stéphanie d’Oustrac, qui fait ses débuts en Charlotte. On connaît les qualités de cette voix au timbre ample et rond, la technicité de l’artiste (qui fait merveille au III dont elle surmonte avec une aisance confondante toutes les difficultés) et son sens aigu de la déclamation et de musique française. Mais ce qui est frappant dans son interprétation, c’est à quel point elle parvient à nous faire oublier toute ses qualités, pour nous inviter à accompagner Charlotte tout au long de son douloureux cheminement, de la jeune fille allègre et dévouée du I, à l’épouse inflexible mais peu à peu surprise et troublée du II et du III, jusqu’à la détresse du IV. Du grand art !

 

 

Programme et distribution : 

 

Werther, drame lyrique en quatre actes de Jules Massenet (1842-1912).

Livret d'Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann, en français.

Créé le 16 février 1892 au Théâtre impérial de Vienne (en langue allemande)

 

Direction musicale : Jean-Marie Zeitouni

 

Orchestre symphonique et lyrique de Nancy

Elèves de filière voix et chœur d’enfants du Conservatoire régional du grand Nancy

 

Mise en scène : Bruno Ravella

Décors et costumes : Leslie Travers

Lumières : Linus Fellbom

  

Werther : Edgaras Montvidas

Charlotte : Stéphanie d’Oustrac

Albert : Philippe-Nicolas Martin

Sophie : Dima Bawab

Le Bailli : Marc Barrard

Schmidt : Eric Vignau

Johann : Erick Freulon

Kätchen : Marie Moruton

Brühlamnn : Louis Harquet

 

Photos : (C) Opera national de Lorraine

9 mai 2018 - Werther (Massenet) à l’Opéra national de Lorraine.
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