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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


6 décembre 2018 - Maria Stuarda (Donizetti) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 8 Décembre 2018, 21:16pm

Catégories : #Opera version concert

Inspiré du drame de Schiller, l’opéra Maria Stuarda fut écrit pour le San Carlo de Naples. Mais l’œuvre fut interdite par le roi de Naples, probablement à cause des excès des rivalités ayant opposé les deux prime donne au cours des répétitions, sans que cela soit toutefois bien clair. On adapta donc un nouveau livret à la musique déjà écrite, transformant l’argument sur le fondement des Histoires florentines de Machiavel. Dans ces conditions, on s’en doute, l’opéra ne connut pas un grand succès et fut retiré aussitôt. Finalement créé à la Scala, il fut rapidement censuré, Maria Malibran persistant à vouloir chanter le « Vil bastarda » interdit... L’opéra ne disparut pourtant pas, renaissant dans une version en trois actes à.... Naples en 1864. L’œuvre est restée célèbre par le duo, l’affrontement, des deux reines qui fut à l’origine de tous les ennuis de cette partition et qui constitue le sommet de l’ouvrage et est aussi l’un des sommets de l’opéra romantique italien. Cette scène dans laquelle, excédée par les provocations d’Elisabeth I, Marie Stuart craque et l’insulte, précipitant son destin :  « Fille impure de Bolena, femme indigne et lascive, vile bâtarde ». L’interprétation de ces quelques mots, sans mélodie d’accompagnement, presque un récitatif, une déclamation, est l’enjeu majeur de ce rôle pour toute interprete de Maria Stuarda.  

 

C’est Joyce di Donato qui était prévue initialement et qui, souffrante, est remplacée par une Patrizia Ciofi qui y remporte un succès phénoménal. J’ai une immense admiration pour Patrizia Ciofi dont j’adore le timbre si légèrement ambré et voilé et qui possède des qualités techniques et des dons d’interprétation hors pair. Et ce soir, elle tutoyait l’excellence. Tout était là dès son air d’entrée, dessinant la complexité de ce personnage qui oscille tout au long de l’opéra entre autorité royale, désespérance trop humaine et amour sans avenir.... Si elle n’a pas tout à fait la voix de ce rôle redoutable, elle y expose ses immenses qualités, et notamment un legato parfait, une ligne de chant d’une élégance incomparable, des aigus d’une grande pureté et des messa di voce remarquables. Les défauts mêmes, les imperfections sont exploitées au service de cette incarnation. Patrizia Ciofi prend ce rôle à bras le corps, se jette dans la bataille avec un engagement total, sans retenue. Et après son air d’entrée très longuement applaudi, son impressionnante dispute crachée au visage d’Elisabeth, sa superbe prière et sa magistrale scène finale lui vaudront une ovation triomphale aux saluts, qui la verront en pleurs.

 

Carmen Giannattasio a la voix et le timbre qui conviennent à la reine d’Angleterre. Voix plus corsée quoiqu’un peu monochrome, grande technicienne, elle épouse parfaitement les intentions de Patrizia Ciofi. Elle permet ainsi au duel vocal de la confrontation des deux reines d’atteindre un niveau remarquable. Elle compose un personnage de reine et de femme jalouse interessant même si elle se laisse aller parfois à quelques vulgarités hors de propos.

 

C’est Enea Scala qui interprete Leicester. Peu aidé par un livret qui en fait un benêt maladroit dont les interventions n’ont pour seul effet que de précipiter la catastrophe, il chante tout en tension et en nuances. Bien projetée, la voix se colore aisément et met en valeur un timbre très latin. Le chant est très beau et fait oublier une technique assurée. Très engagé, il délivre une interprétation très convaincante, malgré une tendance à un peu trop nasaliser l’aigu forte en début de représentation. Effet de trac ? 

 

Le Talbot de Nicola Ulivieri et le Lord Cecil de Marc Barrard ne déméritent pas mais peinent un peu à exister face au remarquable trio de premiers rôles. En revanche Jennifer Michel fait montre d’une grande maturité et compose une Anna de luxe, ses belles qualités vocales méritant de plus grands rôles.

 

L’Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne, peu homogène et peu sonore, sera à la peine pendant presque toute la représentation et connaîtra quelques problèmes de justesse. Mais sa belle prestation dans la Priere dans laquelle il se dépasse, nous incline à l’indulgence.

 

A la tête d’un Orchestre de Paris en belle forme, Speranza Capucci fait montre d’une belle détermination. Sa direction est très attentive aux solistes, au prix de quelques décalages avec les chœurs ou entre pupitres. Elle parvient à de très beaux résultats, notamment avec des vents en état de grâce, ou une Prière très réussie. 

 

La performance hors norme de Patrizia Ciofi dans ce rôle écrasant, musicalement et dramatiquement, a fait de ce qui était prévu pour être un événement, une soirée exceptionnelle qui a enflammé le public, à très juste titre.

 

 

Programme et distribution : 

 

Gaëtan Donizetti  (1797-1848)

Maria Stuarda 

Tragédie lyrique en deux actes

Livret en italien de Giuseppe Bardari 

Créé à Naples, Teatro San Carlo, le 18 octobre 1834 (sous le titre Buondelmonte) et à Milan, Teatro alla Scala, le 30 décembre 1835 (sous le titre Maria Stuarda).

 

Maria Stuarda : Patrizia Ciofi

Elisabetta : Carmen Giannattasio

Le Comte de Leicester : Enea Scala

Talbot : Nicola Ulivieri

Lord Cecil : Marc Barrard

Anna : Jennifer Michel 

 

Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne

Direction : Sandrine LebecIl

Orchestre de chambre de Paris

 

Direction musicale : Speranza Scappucci

 

Crédits photographiques (c) Maria Stuarda

6 décembre 2018 - Maria Stuarda (Donizetti) au Théâtre des Champs Elysées.
6 décembre 2018 - Maria Stuarda (Donizetti) au Théâtre des Champs Elysées.
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