17 avril 2019 - Concert Sandrine Piau & Tim Mead au Théâtre des Champs Elysées.
Devant une salle comble, Le Concert d’Astrée et Emmanuelle Haïm donnent le ton dès l’ouverture de Rodelinda qui débute ce concert. A ecouter la belle énergie qui se dégage de cette interprétation engagée, aux équilibres impeccables et au son superbe, on pressent que l’on va passer une belle soirée.
Entrant sur le redoutable air d’Andronico, Tim Mead fait preuve d’une très grande virtuosité qui s’appuie sur un beau timbre aux échos mordorés et dont la sonorité ne se laisse pas surpasser par un orchestre virevoltant.
Sandrine Piau choisit, quant à elle, de faire son entrée sur un air d’Aci, très élégiaque, déchirant, dans lequel elle fait montre d’une très grande précision, déployant un aigu très beau dans un chant tout sur le souffle qui dispense une immense émotion.
Toute la soirée, qui se donne pour objet de retracer la carrière de Haendel à travers des témoignages des élans ou des déchirements amoureux, restera à la hauteur de cette superbe entrée en matière. Emmanuelle Haïm fait preuve d’une énergie contagieuse, entraîne son Concert d’Astree vers des moments exceptionnels, mettant en valeur les pupitres sans jamais renoncer à cette énergie presque palpable : le concerto grosso en si b majeur est une réussite, tout particulièrement son deuxième mouvement aux superbes nuances, comme le sera la magistrale interprétation de l’Ouverture d’Orlando. Pendant tout le concert, Emmanuelle Haïm veillera à mettre en valeur l’ensemble de ses interprètes , et en particulier les chanteurs qu’elle ne met jamais en danger sans toutefois les ménager...
Tim Mead fait tout au long du concert la démonstration de ses très grandes qualités vocales que l’on avait déjà eu l’occasion de souligner ici. Le chant est précis, les vocalises sont conduites à la perfection sur tout le registre, sans aucune faiblesse dans l’émission. Ajoutons à cela quelques sublimes trilles et on a un « Vivi, tiranno » et un « Vaghe pupille » remarquables.
Sandrine Piau, en grande forme, est exceptionnelle. Son « Piangero » restera le temps fort de cette soirée : incarné dès le récitatif, le personnage de Cleopatre déploie une aria palpitante, bouleversante, dans laquelle chaque note, chaque nuance sont pensées. On retrouve ces qualités techniques du plus haut niveau dans un « Ah mio cor » déchirant de seconde partie qui révèle une grande tragédienne, toute en sobriété et maîtrisant parfaitement l’art des nuances.
La complicité des deux chanteurs est une évidence, comme sont des évidences le parfait mariage des deux timbres et la conception élégante partagée de ce programme. Et leurs nombreux duos sont passionnants : on retiendra tout particulièrement l’interpretation complexe et raffinée du « Io t abbraccio » aux belles ornementations mais chacun des duos fut un moment de grâce, soutenus par une Emmanuelle Haïm totalement engagée dans ce programme.
Et ce sont des artistes ovationnés et complètement libérés qui donneront, avec générosité et enthousiasme, pas moins de trois duos en bis.
Programme et distribution :
Desperate Lovers
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Rodelinda : Ouverture et Menuet
Tamerlano : « Più d'una tigre altero » (Mead)
Aci, Galatea e Polifemo : « Verso già l'alma col sangue » (Piau)
Concerto grosso n° 2 opus 3 en si bémol majeur
Rodelinda : « Vivi, tiranno » (Mead)
Giulio Cesare : « Piangero della sorte mia » (Piau)
Tamerlano : « Voglio dunque morir », Vivo in te (duo)
Orlando : « Ah, stigie larve... Vaghe pupille »(Mead)
Alcina : « Ah, mio cor » (Piau )
Orlando : Ouverture
Rodelinda : « Io t'abbraccio » (d’où)
Rinaldo : « Adorato mio sposo... Scherzano sul tuo volto » (Duo)
Bis :
Rinaldo : « Fermati ! No credel ! » (duo)
Faramondo : « Caro/Cara, tu mi accendi bel mio core » (duo)
Giulio Cesare : « Caro ! Bella ! » (duo)
Sandrine Piau, soprano
Tim Mead, contre-ténor
Le Concert d'Astrée
Direction musicale, Emmanuelle Haïm