L’Italienne à Alger est l’un des triomphes pérennes de Rossini. Cette « turquerie » dans l’air du temps est aussi un pastiche de l’opéra seria avec ces airs patriotiques et ces grands airs avec chœur. Grande folie musicale, écrite paraît-il en 3 semaines, l’Italienne est aussi et surtout l’archétype du buffo Rossinien. Dès lors, on regrettait un peu que cette Italienne ne soit donnée qu’en version de concert. Regrets très vite oubliés tant la mise en espace est réussie et vivante, grâce à quelques accessoires et quelques éléments de costumes. Le plaisir des interprètes, des musiciens et des choristes est palpable et il participe de façon déterminante à l’énergie de cette représentation.
Entraînant l’action et ses comparses, Peter Kálmán est un hilarant Mustafà, dont les mimiques sont très réjouissantes. qui parvient par ses ineffables mimiques à provoquer l’hilarité du public. Le baryton-basse est la parfaite incarnation des besoins du rôle, qui conjugue les caractéristiques du buffo et du seria et qui appelle agilité et bravoure. Toutes ces qualités sont présentes chez Kálmán qui domine totalement le rôle et se paie le luxe d’incroyables insolences : passages en voix de tête, cris, chuchotis, grincements...
Face à ce Bey d’exception, Margarita Gritskova est une Isabella un peu plus pâle. Si elle use d’un jeu outrageusement sexy et provocateur, que son physique lui autorise, la voix de soprano, manque un peu de la rondeur et du velouté nécessaires au rôle (écrit pour un contralto). Le médium manque un peu de projection et la recherche systématique de l’exagération comique, souvent très réussie, la fait passer à côté des moments plus élégiaques de la partition et les ornementations peuvent sembler excessives. Veronica Cangemi est également un peu décevante dans le rôle d’Elvira. Si elle sait user des ressorts comiques de son binôme avec Zulma, l’aigu est souvent raide.
En revanche, Maxim Mironov, ténor rossinien d’excellence, est superbe en Lindoro. Il assume avec aisance les aigus : ils sont clairs et parfaitement projetés, sans que le timbre y perde sa couleur et sa rondeur. Les nuances sont superbes, le legato parfait. A l’agilité de cette voix qui vocalise avec facilité s’ajoutent de réels talents d’acteurs et un humour solide. Le Taddeo de Christian Senn est également une vraie réussite théâtrale et vocale. Comique sans abus d’effets, très vivace dans son chant, il domine également totalement son personnage.
Rosa Bove et Victor Sicard complètent harmonieusement cette distribution, avec une mention spéciale pour l’implication et la présence de la basse dont on a apprécié le très beau timbre.
Le chœur de chambre Mélisme(s) participe à l’action et sa belle homogénéité de voix d’hommes nuance avec bonheur ses interventions.
Jean-Christophe Spinosi est décidément idéal dans ce répertoire. Son énergie se communique à un Ensemble Matheus en grande forme. Très attentif à ses interprètes, il veille scrupuleusement à de délicats équilibres, au bénéfice tant des chanteurs que des musiciens ( le hautbois tout particulièrement). Évitant toute lourdeur et tout excès de rapidité, il donne à entendre une musique joyeuse, enlevée et élégante.
Programme et distribution :
L’Italiana in Algieri
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Dramma giocoso en deux actes
Livret en italien d'Angelo Anelli
Créé à Venise au Teatro San Benedetto, le 22 mai 1813
Isabella : Margarita Gritskova
Elvira : Veronica Cangemi
Mustafà : Peter Kálmán
Lindoro : Maxim Mironov
Taddeo : Christian Senn
Zulma : Rosa Bove
Haly : Victor Sicard
Choeur de chambre Mélisme(s)
Chef de chœur : Gildas Pungier
Ensemble Matheus
Direction musicale : Jean-Christophe Spinosi