Programme « kaléidoscope » avance le programme de salle. On ne saurait mieux dire tant le programme vocal est dépourvu de toute cohérence stylistique ou dramatique et composé pour faire miroiter les qualités vocales de Pretty Yende, sans prise de risque excessive pour l’interprète, qui renoue avec des morceaux ayant assuré son succès.
Le choix d’ouvrir la partie vocale du concert avec le motet Exsultate jubilate est un choix un peu étrange car le medium de Pretty Yende est peu sonore et ne lui permet pas d’être totalement convaincante dans ce morceau célébrissime. Le « Tu virginum corona » en particulier semble assez peu spirituel. Heureusement l’Alleluia final, dont l’écriture est plus haute et plus ornée permet à la soprano de faire montre de sa superbe colorature. Je suis également resté un peu perplexe sur le 2e air de cette première partie (« una voce poco fa » du Barbier). Certes, les vocalises sont ébouriffantes et les ornementations diaboliques (et souvent inédites) mais fallait-il donc renouer avec cette tradition du début du 20e siècle de confier le morceau à des sopranos légers alors qu’il est écrit pour un mezzo et de l’orner à l’excès quand Rossini écrivait les vocalises ?
Pretty Yende sera beaucoup plus convaincante dans la deuxième partie du programme, dans laquelle ses aigus rayonnants et son impeccable tenue vocale font merveille. Les deux airs de Gounod sont des leçons d’interprétation, d’incarnation des deux personnages et d’équilibre ; on remarque « au passage » que la diction française de la soprano a beaucoup progressé. Le programme s’achève avec le premier air de Lucia di Lamermoor, parfaitement réussi aussi, tout en sobriété et en legato.
La salle debout obtient quatre bis en conclusion de la soirée. Un très émouvant « O mio babbino caro », un clin d’œil extrait de West Side Story (« I feel pretty »), un hommage, à la veille de sa « panthéonisation », à Joséphine Baker qui fit ses débuts parisiens sur cette scène en 1925 (« J’ai deux amours ») et pour terminer, a cappella, un air traditionnel suivi de « Somewhere over the rainbow ».
Une très belle soirée, donc, même si elle ne fut pas exceptionnelle. Mais l’excellence a surtout été du côté de l’orchestre Les Frivolités parisiennes et du maestro Sagripanti. Le choix du programme instrumental, consacré à des pages rares du répertoire lyrique français, détonnait avec les « scies » du programme vocal. Très équilibré, capable de varier les couleurs et les inflexions, l’orchestre a rendu pleine justice à ce répertoire devenu rare. Accompagnant avec attention son interprète, Giacomo Sagripanti a été d’une présence incroyable tout au long de la soirée, ne lâchant jamais son orchestre qu’il accompagne dans les moindres inflexions, veillant en permanence aux équilibres et aux couleurs, obtenant des nuances superbes et modifiant les climats pour chaque œuvre tout en respectant scrupuleusement les styles.
Crédits photographiques : © JY Grandin
Programme et distribution :
Pretty Yende, soprano
Orchestre Les Frivolités Parisiennes
Direction musicale : Giacomo Sagripanti
Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871)
Le Cheval de bronze, ouverture
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Exsultate, jubilate
Ambroise Thomas (1811-1896)
Mignon, ouverture
Gioachino Rossini (1792-1868)
« Una voce poco fa » (Il barbiere di Siviglia)
Louis-Joseph-Ferdinand Hérold (1791-1833)
Zampa, ou la fiancée de marbre, ouverture
Charles Gounod (1818-1893)
« Je veux vivre » (Roméo et Juliette)
« O Dieu, que de bijoux !... Ah, je ris » (Faust)
Camille Saint-Saëns (1835-1921)
La Princesse jaune, ouverture
Gaetano Donizetti (1797-1848)
« Regnava nel silenzio … Quando rapita in estasi » (Lucia di Lammermoor)
Bis
Giacomo Puccini (1858-1924)
« O mio babbino caro (Gianni Schicchi)
Leonard Bernstein (1918-1990)
« I feel pretty » (West Side Story)
Vincent Scotto (1874-1952)
« J’ai deux amours »
Harold Arlen (1905-1986)
« Somewhere over the raimbow »