8 juillet 2002 – L’Elisir d’amore (Donizetti) aux Chorégies d’Orange
Le choix de l’œuvre assez intime qu’est l’Elisir d’amore (voir ici) pour le cadre grandiose que constitue le Théâtre Antique est assez surprenant tant cet opéra repose sur des ressorts de comique et d’émotion intimes. De fait, la mise en scène d’Adriano Sinivia ne s’adapte pas à cet environnement. Créée pour Lausanne il y a 10 ans, elle est pourtant séduisante dans son approche onirique et romantique du monde paysan. Mais conçue pour des scènes aux dimensions habituelles, elle se dilue complètement dans cet immense espace scénique. Certains tics de mise en scène ont par ailleurs vieilli, tels le recours aux vidéos d’animaux projetées sur le Mur, dont on se demande bien le rapport avec l’œuvre. Mais l’ensemble reste frais et alerte et contribue au plaisir léger que l’on ressent.
L’essentiel de ce plaisir est dû à la magistrale direction de Giacomo Sagripanti. Confronté à des rafales souvent violentes de mistral, le chef ne lâche à aucun moment ni son orchestre, ni ses chœurs ni ses solistes. Tous les départs sont donnés et une attention sourcilleuse est prêtée aux équilibres qui sont parfaits et proprement miraculeux dans le contexte venteux de la soirée. Il parvient à obtenir de l’Orchestre philharmonique de Radio France une palette de couleurs superbe et une variété d’expressivité remarquable tant dans les scènes bouffe, que dans la légèreté des tutti ou le lyrisme des duo.
L’autre acteur décisif de cette belle soirée était le Dulcamara d’Erwin Schrott. Totalement à l’aise, prenant un plaisir évident à son rôle bouffe, projetant sa voix avec une aisance à décourager le mistral, il a délivré une véritable leçon de chant et de comédie.
Pretty Yende a un peu souffert des conditions au premier acte, au cours duquel ses interventions sont restées discrètes. Mais elle a su trouver les moyens d’affirmer sa projection et a retrouvé au deuxième acte un chant qui met en valeur son très beau timbre et ses impressionnantes qualités d’ornementation et de lyrisme. Francesco Demuro a lui aussi, et pour les mêmes raisons, semblé très en retrait au premier acte puis a donné un deuxième acte superbe, incarnant avec bonheur l’obstiné et chanceux benêt qu’est Nemorino. Son timbre si italien a fait merveille dans “Una furtiva lagrima”, qui a été bissé.
Le Belcore d’Andrzej Filończyk n’a quant à lui pas réellement trouvé les ressources de projection nécessaires pour affronter les rafales de vent. Pourtant le timbre semble intéressant et l’incarnation de la forfanterie de Belcore était scéniquement réussie. Enfin Anna Nalbandiants est une Gianetta alerte et très accomplie.
Crédits photographiques : © Christophe Agostinis
Programme et distribution :
Gaetano Donizetti (1797-1848)
L’Elisir d’amore
Opera comica en 2 actes
Livret en italien de Felice Romani
Créé à Milan (Teatro della Canobbiana) le 12 mai 1832
Mise en scène : Adriano Sinivia
Décors et vidéos : Cristian Taraborrelli
Costumes : Enzo Iorio
Eclairages : Méeüs
Nemorino : Francesco Demuro
Adina : Pretty Yende
Dulcamara : Erwin Schrott
Belcore : Andrzej Filończyk
Giannetta : Anna Nalbandiants
Orchestre philarmonique de Radio France
Chœurs de l’Opéra Grand Avignon et de l’Opéra de Monte Carlo
Direction musicale : Giacomo Sagripanti