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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


5 octobre 2022 – Concert Joyce DiDonato au Théâtre des Champs-Elysées

Publié par Jean Luc sur 8 Octobre 2022, 15:56pm

Catégories : #Concert, #Concert mezzo

Ce n’est pas la première fois que Joyce DiDonato s’emploie à dépoussiérer l’art si convenu du récital et à tenter de construire un spectacle plus complet, plus proche du show que du récital, et articulé autour d’une position « politique ». On citera par exemple son programme « In war and peace » donné ici même en 2017 (voir compte-rendu Ici). Il s’agit dans « Eden » de célébrer « la majesté, la puissance et le mystère de la Nature à travers le pouvoir transformateur de la musique ». Nous sommes invités « à revenir à nos racines et à explorer si nous nous connectons aussi profondément que possible à l’essence pure de notre être, pour créer un nouvel EDEN de l’intérieur et planter des graines d’espoir pour le futur ». «En ces temps de tourmente, quelle graine planterez-vous aujourd’hui ? » est la question finale que pose Joyce di Donato à chaque spectateur.

Ce discours philosophico-écolo-politique est parfois un rien maladroit mais le spectacle construit  par Joyce DiDonato dégage une émotion forte et réelle, en dépit d’une mise en scène un peu trop naïve qui semblait parfois la caricature d’une soirée de bienfaisance à l’américaine.

Le programme rassemble une douzaine d’œuvres d’époques et de styles extrêmement différents. Le lien entre les différentes œuvres se fait de façon assez naturelle par l’excellent orchestre Il Pomo d’Oro. Cette diversité qui interroge notre oreille est toutefois insuffisamment documentée et expliquée à l’auditeur car, au-delà du questionnement évoqué ci-dessus et du rapport à la Nature, on aimerait vraiment comprendre quels sont les principes qui ont guidé la sélection de Joyce DiDonato ? Il n’en demeure pas moins que le travail vocal de l’artiste reste impressionnant, en dépit d’un vibrato qui devient un peu trop lourd et présent, notamment dans le haut medium. Mais le timbre reste toujours aussi délicat, exquis, et la capacité de moduler le chant à l’infini concourt très efficacement à l’émotion, Joyce DiDonato alternant avec beaucoup d’aisance et de réussite des élégies et des accents tristes et emplis de reproches. Surtout, la maitrise technique est totale, et les qualités de style parfaitement remarquables, quel que soit le style  de répertoire choisi.

D’emblée, le choix de remplacer les trompettes du Unaswered Question de Charles Ives par une intervention vocale marque la volonté de rupture de l’artiste.  Je me suis un peu ennuyé pendant le First morning of the world interprété de façon émouvante mais que j’ai trouvé un peu sirupeux. En revanche j’ai adoré, et c’est une expression faible au regard de l’émotion dispensée, les deux chants de Mahler qui figurent au programme.

Bien sûr, le baroque se taille une large part dans ce programme : des vocalises écrites par Biagio Marini pour saluer les étoiles et le soleil, à la dénonciation des horreurs de la guerre extraite de La Calisto en passant par l’espérance de Theodora, l’interprétation est impeccable et c’est une vraie de leçon de chant et de maitrise que nous délivre Joyce DiDonato.

La même exigence et la même réussite émaillent le reste du programme, qu’il s’agisse de l’aria du Ezio de Gluck, de l’oratorio Adamo ed Eva de Josef Mysliveček , ou encore du si beau poème de Copland.

En bis, on retrouvera cet hommage au baroque avec une sublime interprétation de Ombra mai fu… extrait de Serse. Ce bis venait comme une conclusion de la très belle prestation du chœur d’enfants Sotto Voce qui a participé à un atelier totalement intégré dans le projet Éden. 

Il Pomo d’Oro a alterné des moments de très grande beauté, en particulier dans le répertoire le plus éloigné de ses habituelles interventions, avec des interprétations moins convaincantes, en particulier dans Gluck dont la danse des Spectres manquait d’énergie et peinait vraiment à nous terroriser.

 

Crédits photos : © Jean-Yves GRANDIN

 

Programme et distribution :

EDEN

Joyce DiDonato, mezzo-soprano

 

Marie Lambert-Le Bihan, mise en espace

John Torres, lumières

Sotto Voce, Choeur d’enfants

 

Il Pomo d’Oro

Zefira Valova, violon et direction

 

Charles Ives (1874-1954) 

The Unanswered Question

Rachel Portman (1960-   )

The First Morning of the World (première mondiale, commande de Joyce DiDonato)

Gustav Mahler (1860-1911)

Rückert-Lieder, II. « Ich atmet’ einen linden Duft! »

Biagio Marini (1594-1663)

               Scherzi e canzone Op.5, III. « Con le stelle in ciel che mai »

Josef Mysliveček (1737-1781)

Adamo ed Eva, « Toglierò le sponde al mare »

Aaron Copland (1900-1990)

8 Poems of Emily Dickinson for voice & chamber orchestra, I. «Nature, the gentlest mother »

Giovanni Valentini (158 - 1649)

Sonata enharmonica en sol mineur

Francesco Cavalli (1602-1676)

La Calisto, « Piante ombrose »

Christoph Willibald Gluck (1714-1787)

Orfeo ed Euridice, Danza degli spettri e delle furie: Allegro non troppo

Ezio, « Misera, dove son!… Ah! non son io che parlo »

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)

Theodora, « As with Rosy Steps the Morn »

Gustav Mahler

Rückert-Lieder, III. « Ich bin der Welt abhanden gekommen »

Bis :

Georg Friedrich Haendel

Serse « Ombra mai fu… »

 

5 octobre 2022 – Concert Joyce DiDonato au Théâtre des Champs-Elysées
5 octobre 2022 – Concert Joyce DiDonato au Théâtre des Champs-Elysées
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F
Merci! Heureuse de vous lire, avec tous ces beaux compliments. Il Pomo d'Oro est le garant de tant de nuances et musicalité!
Répondre
J
Oui j aime beaucoup ce qu’ils font.

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