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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


1er avril 2023 – LES PURITAINS (Bellini) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 3 Avril 2023, 18:28pm

La création des Puritains fut un énorme triomphe et, très vite, le « quatuor des Puritains » entre dans la légende. Ce quatuor ce sont les quatre rôles principaux de l’opéra tenus à la création par une prestigieuse distribution : Giulia Grisi (Elvira), Tamburini (Riccardo), Rubini (Arturo) et Lablache (Giorgio). Les bis exigés par le public sont si nombreux qu’il faudra supprimer des numéros lors des représentations suivantes pour éviter une durée trop longue de l’ouvrage. Le succès de l’œuvre ne se démentit jamais, pas même durant l’éclipse du bel canto romantique au début du XXe siècle. L’œuvre est souvent présentée comme une synthèse réussie du primat de la voix, central dans l’opéra italien, et des innovations de l’orchestration en germe dans les débuts, à cette époque, du grand opéra à la française.

Le livret du débutant qu’était alors Pepoli a souvent été, à juste titre, critiqué pour ses nombreuses faiblesses. De fait, malgré un sujet qui s’y prêtait admirablement, il s’éloigne considérablement des grandes fresques historiques qui deviennent alors à la mode et privilégie la description d’une héroïne romantique totalement livrée, jusqu’à la folie, au délire amoureux. Si la progression dramatique est à peu près crédible, elle est complètement rompue par le « happy end » final auquel il ne manque  qu’une intervention divine ou un objet magique pour ressembler au dénouement d’un opéra baroque… Musicalement, la partition reste caractéristique du style bellinien, avec un soin tout particulier pour la mélodie et la peinture des affects dans une esthétique romantique qui tend à s’éloigner de temps à autres des fulgurances virtuoses.

La qualité et la complicité du quatuor cité plus haut est un élément déterminant de la réussite, ou non, d’une représentation des Puritains. Alors qu’en était-il ce soir ?

Jessica Pratt fait face au rôle écrasant d’Elvira avec une maitrise qui est proprement impressionnante. Le timbre est d’une grande pureté, la technique qui use et abuse des notes piquées et des trilles est impeccable, les variations sont inventives et d’une grande beauté stylistique. L’aigu est rond et percutant même si les notes trop longuement tenues peuvent devenir un peu stridentes. L’incarnation du personnage est tout aussi réussie de la naïveté virginale du « Son vergin vezzosa » à la folie du « Vien diletto » en passant par ce moment de basculement, peut-être le plus intéressant de l’interprétation de Jessica Pratt, qu’est « Oh ! vieni al tempio ».

Le rôle d’Arturo spécifiquement écrit pour Rubini est redoutablement haut : un contre-ut dièse, deux contre-ré et un contre-fa, tous écrits… Remplaçant Xabier Anduaga, c’est Levy Sekgapane qui relève le gant, pour une prise de rôle. Si le timbre semble d’emblée trop clair pour le rôle, le style belcantiste est quant à lui irréprochable : les variations sont superbes, chantées sur le souffle, l’aiguë solaire rayonne (malgré un « fa » en voix mixte qui restera un peu dans la gorge) et les piani sont très beaux.  On peut préférer un Arturo plus viril, plus chevaleresque que l’amoureux un peu transi de ce soir mais la vaillance du jeune ténor est indéniable.

Du quatuor, c’est le Riccardo de Gabriele Viviani qui est le plus convaincant. Certes, il est un interprète expérimenté de ce rôle mais son « Ah, per sempre io ti perdei » désespéré et vipérin, est un modèle du genre : la diction est incomparable et le legato une vraie leçon de belcanto. Dans la suite de l’œuvre, toutes ses interventions seront remarquables, notamment, bien sûr dans son duo avec Giorgio « Suoni la tromba ».

Le Giorgio de Krzysztof Bączyk, également en prise de rôle, est plus inégal. Dramatiquement moins convaincant, par exemple dans son duo avec Elvira au I, la voix est parfois en difficulté même si sa romance au II «Cinta di fiori » est parfaitement réussie avec des graves de toute beauté.

On a remarqué le très beau timbre et l’investissement dramatique de Tamara Bounazou en Enrichetta ainsi que les prestations prometteuses du ténor Riccardo Romeo (Bruno) et du baryton Giacomo Nanni (Walton).

Le Chœur Les Eléments est très présent, personnage à part entière de ce monument du bel canto, et sa prestation est particulièrement brillante dans les ensembles martiaux.

A la baguette, Giacomo Sagripanti réalise un travail remarquable d’équilibre. Attentif à chacun des pupitres, présent sur tous les départs, respectant scrupuleusement ses chanteurs, il magnifie les couleurs de l’Orchestre de chambre de Paris dans ce répertoire délicat. Son travail à la tête de cette production, tout en subtilité, redonne tout son éclat et sa profondeur à cette partition pourtant tellement entendue.

C’est une longue et bruyante ovation qui a salué cette belle version de concert.

Crédits photographiques © Jean Yves Grandin

 

Programme et distribution :

Vincenzo BELLINI (1801-1835)

LES PURITAINS

Opera seria en trois actes

Livret en italien de Carlo Pepoli

Créé à Paris, Théâtre Italien, le 24 janvier 1835.

 

Elvira : Jessica Pratt

Arturo : Levy Sekgapane

Riccardo : Gabriele Viviani

Giorgio : Krzysztof Bączyk

Enrichetta : Tamara Bounazou

Bruno : Riccardo Romeo

Walton : Giacomo Nanni

 

Chœur de chambre Les éléments | direction Joël Suhubiette

Orchestre de chambre de Paris

 

Direction musicale : Giacomo Sagripanti

 

 

1er avril 2023 – LES PURITAINS (Bellini) au Théâtre des Champs Elysées.
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