La Fille du Régiment est le 1er opéra-comique composé en français par Donizetti. On prête à l’influence de Rossini la décision de Donizetti de composer cet opéra alors qu’il se trouve à Paris pour superviser la création, le 6 aout 1839, de Lucie de Lamermoor (version française de Lucia)
Si la création de Lucie de Lamermoor est un succès, celle de la Fille du Régiment est un triomphe, représenté jusqu’à 55 fois dès la première année et exportée vers La Scala dès l’année suivante (création le 30 octobre 1841). L’œuvre sera représentée à l’Opéra-Comique 1000 fois jusqu’en 1914.
L’opéra raconte l’histoire de personnages simples, populaires, dans un contexte politico-historique aux accents patriotiques voire franchement cocardiers. Ces caractéristiques ont très certainement largement contribué à la notoriété de l’œuvre en France mais La Fille du Régiment reste un opéra belcantiste léger, très dans la manière italienne et le style de Donizetti.
A priori, on se dit en entrant dans la salle que faire appel à l’Orchestre de la Garde Républicaine, de surcroit en uniforme, correspond bien à ces aspects patriotiques. Néanmoins, on déchante assez vite tant cette formation semble étrangère à la légèreté et au lyrisme de cette partition légère ? La direction d’Hervé Niquet, empreinte d’une incroyable et incompréhensible désinvolture n’arrange pas les choses. L’ensemble est souvent pesant, lourdaud, brouillon parfois, et couvre régulièrement les chanteurs dont la baguette d’Hervé Niquet ne semble d’ailleurs pas faire grand cas. On saluera toutefois le beau travail des chœurs, notamment, coté voix masculines, le Chœur de l’Armée française, dont chacune de interventions reflète le plaisir de chanter et de servir cette partition.
Ce loupé orchestral est d’autant plus regrettable au regard du choix –d’ailleurs curieux- d’une version de concert et au regard d’une distribution qui était particulièrement bien effectuée : l’engagement généreux des interprètes aurait mérité meilleur traitement.
Jodie Devos est d’une très grande présence en scène, incarnant une Marie espiègle (ah, le massacre jouissif de la leçon de chant du II !), joueuse et très vivante. La technique est impressionnante : rapide, virtuose, diction impeccable, aigu rond et brillant, savantes et audacieuses variations, elle a vraiment toutes les qualités du rôle même si la voix semble peut être parfois un rien trop légère.
Même engagement et mêmes qualités pour le Tonio de Sahy Ratia. La voix est saine, naturelle, le timbre clair est vraiment très intéressant et l’interprétation qui privilégie une belle musicalité s’appuie sur une diction et un phrasé irréprochables. Les contre-ut de « Ah mes amis » sont abordés avec la bravoure nécessaire mais il y est manifestement gêné par un orchestre livré à lui-même et qui ne l’accompagne guère dans l’ascension de cet « Everest ». La voix, comme la technique de chant se marient à merveille avec celles de Jodie Devos et le couple d’amoureux est totalement convaincant. Les qualités de cette voix devraient toutefois éloigner Sahy Ratia de ces rôles très légers tant les couleurs du timbre semblent le promettre aux rôles belcantistes plus lourds.
Voix large et naturelle, Marc Labonnette est un excellent et truculent Sulpice, rôle auquel il donne beaucoup de relief et qu’il sert avec de grandes qualités musicales. Doris Lamprecht est une Marquise de Berkenfield d’une drôlerie communicative, ridicule juste ce qu’il faut et correctement chantante mais sans plus. Le baryton de Philippe Ermelier (Hortensius) présente les mêmes qualités et les mêmes défauts que sa maitresse à la scène. Felicity Lott fait son numéro habituel, bien rôdé et efficace. Les courtes interventions de Mathieu Justine donnent envie de l’entendre, tant la clarté du timbre et la musicalité de la voix attirent l’oreille.
Succès en demi-teinte donc que cette représentation en version de concert, avec un public très sur la réserve pendant toute la première partie, qui a cependant semblé se réveiller au II, réservant de bruyants applaudissements aux interprètes aux saluts.
Crédits photographiques © Jean-Yves Grandin
Programme et distribution :
Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
LA FILLE DU RÉGIMENT
Opéra en deux actes
Livret en français de de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Jean-François Bayard
Créé à Paris (Opéra-comique) le 11 février 1840
Marie : Jodie Devos
Tonio : Sahy Ratia
Sulpice : Marc Labonnette
La Marquise de Berkenfield : Doris Lamprecht
Hortensius : Philippe Ermelier
La Duchesse de Crakentorp : Dame Felicity Lott
Un paysan : Matthieu Justine
Chœur de l’Armée française | direction Aurore Tillac
Chœur de femmes de la Maîtrise Notre-Dame de Paris | direction Henri Chalet
Orchestre de la Garde républicaine
Direction musicale : Hervé Niquet