Ce Fausto est une re-création de l’opéra écrit par Louise Bertin et qui n’a pas eu d’autres représentations que la série de trois soirées lors de sa création en 1831. Œuvre d’une femme, handicapée, française, sur un livret en italien d’après le Faust de Goethe, et dont le rôle principal est originellement écrit pour contralto, il s’agit bel et bien d’une rareté dans le paysage lyrique de la première moitié du 19e siècle.
J’étais tout à fait déterminé à passer une bonne soirée, à être séduit par cette rareté, tant eu égard à l’histoire de l’œuvre et de la compositrice qu’à la belle distribution alignée pour l’occasion. Je dois toutefois avouer une relative déception : peut-être est-ce dû à la direction tonitruante de Christophe Rousset qui noie le public sous les décibels d’un orchestre très (trop ?) volumineux mais j’ai trouvé que cet ouvrage, contemporain de Norma, de Robert le Diable ou de La Juive, ne se haussait pas à la hauteur de ces œuvres. Fausto est traversé par des influences nombreuses et hétérogènes, marquant l’écriture à outrance et de façon bien trop visible, donnant l’impression d’une composition plus appliquée qu’inspirée. Il faut néanmoins reconnaitre la belle orchestration, l’utilisation habile des chœurs et la beauté de leurs parties (le Vlaams Radiokoor est tout à fait excellent au long de la soirée) ainsi que l’existence de nombreux moments forts, comme le coup de gong final ou les accords plaqués de l’ouverture. Mais il y a quand même souvent un peu d’incongruité, comme les airs du ténor au III qui sonnent très « italien » dans une œuvre au style tellement français ou comme l‘air de Mefistofele au II qui semble tiré d’un opéra bouffe de Rossini ou de Donizetti….
Le déluge musical et sonore auquel se livre Christophe Rousset avec trop de complaisance nuit considérablement aux prestations des interprètes, souvent inaudibles. C’est notamment le cas de Karina Gauvin dont la délicate musicalité est incompatible avec cette lecture bruyante et qui semble d’ailleurs renoncer très vite à dominer la masse sonore de l’orchestre. Diane Axentii et Marie Gautrot sont également submergées et Nico Darmanin fait assauts de vaillance pour surmonter une orchestration décalée par rapport à la délicatesse mélodique des arias qui lui reviennent, avec un bel aigu, très solaire mais des résultats inégaux. Thibault de Damas déploie un très beau timbre de baryton-basse, très sonore et bien projeté : il résiste donc mieux que nombre de ses collègues ce qui lui permet de bien caractériser ses interventions, notamment en Wagner.
Quant au Mefistofele de Ante Jerkunica, il semble se délecter de cette masse sonore et déploie une superbe voix de basse aux très beaux graves. L’interprétation qu’il propose de Mefistofele est tout à fait convaincante, soulignant la perversité et la méchanceté du personnage sans jamais en rajouter en dépit d’une écriture assez démonstrative du rôle.
Mais c’est Karine Deshayes qui domine cette soirée avec une prestation exceptionnelle sur de nombreux points. Elle ne fait qu’une bouchée de ce rôle écrasant et de son écriture impossible, dispensant des aigus superbes avec générosité et réussissant à superbement incarner Marguerite et son évolution psychologique en dépit d’un livret souvent mal ficelé et un peu caricatural… Sa voix évolue désormais nettement vers le Falcon et cette évolution se fait aussi au détriment du bas du registre qui a parfois été noyé par l’orchestre.
Aux saluts de cette soirée en demi-teinte pour moi, le public s’est montré très enthousiaste.
Crédits photographiques : © Jean-Yves Grandin
Programme et distribution :
Louise BERTIN (1805-1877)
FAUSTO
Opera semi-seria en quatre actes
Livret en italien de Louise Bertin (traduit par Luigi Balocchi), d’après le Faust de Goethe
Créé à Paris, Théâtre Italien, le 7 mars 1831.
Fausto : Karine Deshayes
Margherita : Karina Gauvin
Mefisto : Ante Jerkunica
Valentino : Nico Darmanin
Catarina : Marie Gautrot
Una strega / Marta : Diana Axentii
Wagner / Un banditore : Thibault de Damas
Les Talens Lyriques
Chœur de la Radio Flamande
Direction musicale : Christophe Rousset