C’est avec un programme des plus imposants que Julien Chauvin proposait au public de célébrer le 10ème anniversaire du Concert de la Loge au cours d’une soirée qui a duré trois heures et demie. Il s’agissait pour l’essentiel de reprendre des extraits de concerts ou de représentations qui ont marqué l’activité de ce très bel orchestre au cours de la décennie.
Un nombre important de grands noms du chant baroque, des solistes instrumentistes de haut niveau (le clarinettiste Nicolas Baldeyrou et le violoncelliste Victor Julien-Laferrière), un danseur (Samuel Florimond) et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles participaient à cette soirée.
Répartis tout au long de la soirée les morceaux purement instrumentaux ont été dans l’ensemble parfaitement exécutés par l’orchestre du Concert de la Loge, très investi et faisant chatoyer ses belles couleurs sous la direction inspirée et attentive de Julien Chauvin. En première partie, j’ai particulièrement apprécié le deuxième mouvement de la symphonie concertante n°4 de François Devienne pour flute, hautbois, basson et cor, et l’adagio du concerto pour clarinette en la majeur de Mozart. Mais les deux mouvements des deux concertos pour violon de Vivaldi (dont l’Eté) étaient également très beaux et le violoncelle de Victor Julien-Laferrière a magnifié le finale du concerto n°1 en do majeur de Haydn.
La première partie de la soirée voyage dans la musique de la seconde moitié du XVIIIème siècle, allant de morceaux célébrissimes (l’ouverture de la Flute Enchantée) à d’authentiques raretés (la cantate Le Jugement dernier de Salieri). Cette partie, quoique la plus inégale de la soirée avec un engagement en demi-teinte de l’orchestre qui a peu servi certaines pièces, a produit aussi des moments vraiment exceptionnels avec par exemple Jérôme Boutillier dans Chimène de Sacchini ou en Oreste de l’Iphigénie de Gluck, dans laquelle le Pylade de Stanislas de Barbeyrac se montre tout aussi remarquable. Remarquable aussi Sandrine Piau dans le « Se mai senti » de La Clémence de Titus ou Sulkhan Jaiani dans « O, wie will ich triumphieren » de L’Enlèvement au sérail. Et, peut-être surtout, beaucoup d’émotion dans la très belle découverte de cette cantate sacrée de Salieri (Le Jugement dernier) avec une interprétation superbe des Chantres du CMBV, de Judith van Wanroij, Eva Zaïcik, Stanislas de Barbeyrac et Jérôme Boutillier.
La deuxième partie du concert est consacrée à des compositeurs de la première partie du XVIIIème siècle et fait décoller la soirée. Après une interprétation survitaminée de l’Olimpiade, c’est Eva Zaicik qui saisit la salle avec un « Vedro con mio diletto » (Il Giustino) d’une douce et délicate tendresse. Puis Samuel Florimond, avec son intéressante chorégraphie urbaine sur Vivaldi, précède un « Ah mio cor » (Alcina) d’anthologie mené par une Karina Gauvin qui dispense une émotion palpable dans un silence absolu de la salle. En clôture de cette partie, une très belle interprétation du désormais célébrissime
« Forêts paisibles » des Indes galantes par les Chantres emmenés avec panache par Chantal Santon-Jeffery et Jérôme Boutillier et la présence de la danse de Samuel Florimond.
Très éclectique, le programme de la troisième partie manque en conséquence de cohérence mais offre de très beaux moments et, en particulier, la découverte de Carmen Saeculare de Philidor, dont les morceaux associent les Chantres et la plupart des chanteurs solistes dans une interprétation captivante et très séduisante. On a retrouvé aussi avec un immense plaisir une Marina Viotti qui s’amuse et nous amuse beaucoup dans le finale de Cenerentola puis, avec Stanislas de Barbeyrac, dans le duo de La Perichole.
Ce fut une fort belle soirée même si elle fut un peu inégale. Mais l’exercice est nécessairement un peu décousu et on doit remercier l’ensemble des artistes pour les moments de grâce qu’ils nous ont offerts et pour les raretés qu’ils nous ont permis de découvrir ou de redécouvrir.
Programme et distribution :
Karina Gauvin, Sandrine Piau, Chantal Santon Jeffery, Florie Valiquette, Judith van Wanroij, sopranos
Adèle Charvet, Marina Viotti, Eva Zaïcik, mezzo-sopranos
Philippe Jaroussky, contre-ténor
Stanislas de Barbeyrac, ténor
Jérôme Boutillier, baryton
Sulkhan Jaiani, basse
Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Nicolas Baldeyrou, clarinette
Samuel Florimond, danse
Le Concert de la Loge
Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, direction artistique Fabien Armengaud
Direction musicale : Julien Chauvin
Première partie
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Ouverture de La Flûte enchantée K. 620
Jean-Baptiste Lemoyne (1751-1796)
« Il va venir », air extrait de Phèdre [Judith van Wanroij]
Antonio Sacchini (1730-1786)
« En grand silence », air extrait de Chimène, ou le Cid [Jérôme Boutillier]
Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
« Dieux, qui me poursuivez », « Unis dès la plus tendre enfance », airs extraits
d’Iphigénie en Tauride [Jérôme Boutillier, Stanislas de Barbeyrac]
François Devienne (1759-1803)
« Air varié », deuxième mouvement de la Symphonie concertante n° 4 pour flûte,
hautbois, basson et cor [Tami Krausz, Emma Black, Javier Zafra, Felix Roth]
Christoph Willibald Gluck
« Se mai senti », air extrait de La Clémence de Titus [Sandrine Piau]
Wolfgang Amadeus Mozart
« O, wie will ich triumphieren », air extrait de L’Enlèvement au sérail [Sulkhan Jaiani]
« Martern aller Arten », air extrait de L’Enlèvement au sérail [Florie Valiquette]
Adagio du Concerto pour clarinette en la majeur K. 622 [Nicolas Baldeyrou]
Antonio Salieri (1750-1825)
Le Jugement dernier, cantate sacrée [Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles,
Judith van Wanroij, Eva Zaïcik, Stanislas de Barbeyrac, Jérôme Boutillier]
Deuxième partie
Antonio Vivaldi (1678-1794)
Ouverture de L’Olimpiade
« Alma oppressa », air extrait de La Fida ninfa [Adèle Charvet]
« Vedro con mio diletto », air extrait de Il Giustino [Eva Zaïcik]
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
« To thee thou glorious son », duo extrait de Theodora [Philippe Jaroussky, Sandrine Piau]
« Ah mio cor », air extrait d’Alcina [Karina Gauvin]
Antonio Vivaldi
Concerto pour violon en sol majeur, RV 314, deuxième mouvement (Adagio)
Concerto pour violon en sol mineur, RV 315 « L’Été », troisième mouvement Presto [Samuel Florimond]
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
« Contredanse en rondeau », extrait des Boréades
« Forêts paisibles », air et chœur « des Sauvages », extraits des Indes galantes [Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Jérôme Boutillier, Chantal Santon Jeffery, Samuel Florimond]
Troisième partie (environ 45 mn)
Johann Christoph Vogel (1756-1788)
Ouverture de Demophon
Giovanni Battista Ferrandini (1710-1791)
« Gelido in ogni vena », air extrait d’Il Siroe [Philippe Jaroussky]
François-André Danican Philidor (1726-1795)
« Fertilis frugum pecorisque tellus », « Conditio mitis placidusque », « Hic Bellum
lacrimosum », airs et chœurs extraits de Carmen Sæculare [Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Florie Valiquette, Adèle Charvet, Chantal Santon Jeffery, Eva Zaïcik, Stanislas de Barbeyrac, Sulkhan Jaiani, Karina Gauvin, Jérôme Boutillier]
Joseph Haydn (1732-1809)
Allegro molto, finale du Concerto n° 1 pour violoncelle et orchestre en do majeur [Victor Julien-Laferrière]
« Odio, furor, dispetto », récitatif et air extraits d’Armida [Chantal Santon Jeffery]
Dernier mouvement de la Symphonie n° 82 en ut majeur, Hob. I: 82 « L’Ours »
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
« Mir ist so wunderbar », quatuor extrait de Fidelio [Chantal Santon Jeffery, Florie Valiquette,
Stanislas de Barbeyrac, Sulkhan Jaiani]
Gioachino Rossini (1792-1868)
« Nacqui all’affanno... Non più mesta », air extrait de La Cenerentola [Marina Viotti]
Jacques Offenbach (1819-1880)
« Vous a-t-on dit souvent », duo extrait de La Périchole [Marina Viotti, Stanislas de Barbeyrac]
Wolfgang Amadeus Mozart
Chœur final extrait de L’Enlèvement au sérail [Les Chantres du Centre de musique baroque
de Versailles, solistes]