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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


13 mai 2025 – Il Trittico (Puccini) à l’Opéra national de Paris (Bastille)

Publié par Jean Luc sur 19 Mai 2025, 17:07pm

Catégories : #Chouchous, #Célèbres... Ou moins, #Dive et divi, #Opera mis en scene

Puccini a mûri assez longuement l’idée d’un spectacle composé de trois opéras en un acte. Le triptyque ainsi réalisé est composé d’une pièce réaliste (Il Tabarro), d’une pièce comique (Gianni Schicchi) et d’une pièce dramatique (Suor Angelica). Il Tabarro a été composé en premier, les deux autres pièces ayant été écrites en parallèle semble-t-il, ce qui ne manque pas de surprendre tant leur climat est différent. Compte tenu de la guerre en Europe, c’est New York qui eut l’honneur de la création en décembre 1918, avec des distributions des plus prestigieuses. Le succès fut considérable pour Gianni Schicchi mais les deux autres opéras furent accueillis fraichement. Les créations européennes s’enchainèrent ensuite mais Il Trittico ne fut créé à Paris qu’en… 1967 (à l’Opéra-comique) et peu repris depuis lors.

La production de l’Opéra de Paris présente l’ouvrage dans un ordre inhabituel puisque c’est Gianni Schicchi qui ouvre la représentation, à l’inverse de l’usage qui veut qu’il la termine. Librement interprété d’un épisode de La Divine Comédie, ce premier opéra, au ressort comique, conte une imposture florentine permettant de capter un héritage que la famille du défunt voulait se réapproprier en « corrigeant » le testament. Il Tabarro (La Houppelande) se passe à Paris au bord de la Seine ; histoire d’adultère, de misère et de drame passionnel. Suor Angelica enfin, déroule l’histoire d’une « fille-mère » cloîtrée dans un couvent en expiation de sa «faute », qui apprend la mort de son enfant, et se suicide.

La mise en scène de Christof Loy, malgré l’inversion de présentation dont nous parlions plus haut, et quoique transposant l’action des trois opéras à une même époque proche du milieu du XXe siècle, respecte scrupuleusement les différences d’atmosphère des trois opéras et caractérise chacun d’entre eux de façon fidèle : la chambre (mortuaire) d’un bourgeois florentin pour une farce fort amusante, les quais de Seine embrumés et peuplés de misère, et le réfectoire dénudé d’un couvent. L’ensemble est visuellement réussi, la direction d’acteurs particulièrement soignée et très joliment soulignée par les lumières de Fabrice Kebour.

La très grande triomphatrice de la soirée, c’est Asmik Grigorian qui incarne successivement les trois héroïnes féminines. Dans le rôle, plus modeste en termes de présence scénique, de Lauretta, elle délivre une première prestation d’un immense naturel, incarnant une très jeune fille amoureuse et chantant un « Babbino caro » particulièrement intense et émouvant. Elle passe ensuite à une Giorgetta toute en sensualité et en frustration qui est tout aussi réussie dans l’interprétation. Et enfin une Suor Angelica, bouleversante, dénuée de toute grandiloquence et empreinte de sobriété, d’humilité et de spiritualité. Des moments d’une rare intensité marquent ces trois interprétations. L’art de la nuance atteint des sommets dans un « Senza Mamma » d’anthologie. Le timbre est particulièrement beau et sait s’adapter aux exigences de caractérisation de ces trois rôles fort différents Sa clarté ne fait aucunement obstacle à l’utilisation d’une palette de couleurs qui semble infinie et le phrasé et la projection sont parfaitement maitrisés.

Le Gianni Schicchi de Misha Kiria est aussi très réussi. Voix ronde et sonore, il nous offre un Schicchi tout en ruse et en perfidie bonhomme. Il emmène son plateau avec verve et enthousiasme, bien accompagné par une famille cupide et faussement éplorée dans laquelle tous jouent leur partie avec conviction. Le Rinuccio d’Alexey Neklyudov m’a semblé un brin en dessous du reste du plateau, faute à une projection un peu trop légère pour Bastille et à un timbre qui n’est pas dénué de charme mais qui présente peu de particularités. En revanche, la tante d’Enkeledja Shkoza est odieuse à souhait et le Betto de Manuel Esteve Madrid est aussi une belle prestation.

Dans Il Tabarro, Michele est superbement servi par Roman Burdenko, mari taiseux, frustré, jaloux et malheureux qui installe un univers de violence et de misère. Son interprétation est tout en violence contenue, son baryton impeccablement conduit nous plongeant sans faillir dans le drame. Face à lui, au troisième angle du triangle, le Luigi de Joshua Guerrero, séducteur un rien veule, est tout aussi réussi même si le timbre est un peu moins séduisant. Scott Wilde et Enkelejda Shkosa sont particulièrement émouvants dans les personnages particulièrement brisés que sont Talpa et La Frugola.

Suor Angelica réunit une distribution exclusivement féminine. Outre l’impressionnante Asmik Grigorian, qui affronte une Karita Mattila particulièrement odieuse et vénéneuse en Princesse dans un duo ébouriffant de rage et de mépris, l’ensemble de cette distribution est absolument irréprochable et en particulier Hanna Schwarz (La Badessa) Enkelejda Skhoza (Zelatrice) et Teresa Kronthaler (Genofievra).

Dans la fosse, Carlo Rizzi donne à l’ensemble de la représentation une puissance et une intensité dramatique progressive, dirigeant avec précision et un sens aigu de la nuance, un orchestre de l’Opéra en grande forme.

C’est peu de dire que cette production est remarquable, saluée par un triomphe comme on en voit peu à Bastille : public debout dès le baisser de rideau, qui reste présent quasi intégralement jusqu’au dernier salut saluant les artistes d’une longue et très nourrie ovation.

 

Crédits photographiques : © Guergana Damianova / ONP et (c) Jean-Yves Grandin

 

Programme et distribution :

 

IL TRITTICO, trois opéras en un acte de Giacomo Puccini (1858-1924)

Livret en italien de Giuseppe Adami (Il Tabarro) et de Giovacchino Forzano (Suor Angelica et Gianni Schicchi)

Créé à New York (Metroplitan Opera) le 14 décembre 1918

Gianni Schicchi

Gianni Schicchi : Misha Kiria

Lauretta : Asmik Grigorian

Zita : Enkelejda Shkosa

Rinuccio : Alexey Neklyudov

Gherardo : Dean Power

Nella : Lavinia Bini

Betto di Segna : Manuel Esteve Madrid

Simone : Scott Wilde

Marco : Iurii Samoilov

La Ciesca : Theresa Kronthaler

Maestro Spinelloccio : Matteo Peirone

Ser Amantio di Nicolao : Alejandro Balinas Vieites

Guccio : Luis-Felipe Sousa

Pinellino : Vartan Gabrielian

Il Tabarro

Michele : Roman Burdenko

Giorgetta : Asmik Grigorian

Luigi : Joshua Guerrero

Il Tinca : Andrea Giovannini

Il Talpa : Scott Wilde

La Frugola : Enkelejda Shkosa

Un venditore di cansonette / Un amante : Dean Power

Un amante : Ilanah Lobel-Torres

Suor Angelica

Suor Angelica : Asmik Grigorian

La Zita Principessa : Karita Mattila

La Badessa : Hanna Schwarz

La Suora Zelatrice : Enkeledja Shkosa

La Maestra delle Novizie : Theresa Kronthaler

Suor Genovieffa : Margarita Polonskaya

Suor Osmina : Ilanah Lobel-Torres

Suor Dolcina : Lucia Tumminelli

La Suora Infermiera : Maria Warenberg

Due Cercatrici : Lavinia Bini et Camille Chopin

Novizia : Lisa Chaïb-Auriol

Due Converse : Silga Tiruma et Sophia Van de Woestyne

 

Mise en scène : Christof Loy

Décors : Etienne Plus

Costumes : Barbara Drosihn

Lumières : Fabrice Kebour

Dramaturgie : Yvonne Gebauer

 

Chœur de l’Opéra national de Paris

Chefs des chœurs : Ching-Lien Wu

 

Orchestre de l’Opéra national de Paris

 

Direction musicale : Carlo Rizzi

13 mai 2025 – Il Trittico (Puccini) à l’Opéra national de Paris (Bastille)
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