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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


17 juin 2025 – SEMIRAMIDE (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 18 Juin 2025, 16:36pm

Catégories : #Concert lyrique, #Dive et divi, #bel canto

Certains veulent voir dans Semiramide, dernier opéra « italien » de Rossini qui poursuivit ensuite sa carrière à Paris, une forme de crépuscule du bel canto, une évocation de la fin du monde des castrats. Pourtant, si la ligne belcantiste est évidente et si le chant est très orné et recourt sans retenue à la pyrotechnie, c’est bien pour un contralto en travesti que Rossini a écrit le rôle d’Arsace, créé à Venise par Rosa Mariani. La partition elle-même si elle se rattache sans conteste au genre de l’opera seria comporte de nombreuses marques d’influence du romantisme naissant. Le fait de confier à un contreténor le rôle d’Arsace, comme c’est le cas dans cette production, peut ainsi tutoyer le contresens, sauf si le chanteur exécute une prestation exceptionnelle. Nous y reviendrons.

Dans la fosse, la cheffe Valentina Peleggi a parfaitement saisi le caractère hybride du style de cette œuvre et le côté volontiers un peu sombre de l’ouvrage qui décrit la trajectoire d’une femme assoiffée de pouvoir dans un climat souvent un peu fantastique. Si elle maîtrise parfaitement ce qui fait la marque de Rossini, ses traits acérés, ses crescendo impeccablement maitrisés et ses accelerendo subtils, elle sait aussi ne pas verser dans la caricature et resituer cet opéra dans son univers dramatique. L’orchestre suit, avec des moments d’excellence même si on aurait aimé des cuivres plus rutilants, plus éclatants. En revanche, le chœur est souvent à la peine, notamment dans l’articulation de lignes mélodiques certes difficiles et complexes.

Karine Deshayes est simplement parfaite dans le rôle-titre. La maitrise du bel canto est irréprochable et tout y est, que ce soit au plan technique -roulades, vocalises, notes piquées, aigus incisifs- ou au plan de l’interprétation. La maitrise vocale est totale dans une homogénéité impeccable du chant et une ligne parfaite. Le sens des couleurs lui permet de varier -semble-t-il à l’infini- les couleurs et les affects caractérisant avec un égal talent la reine assoiffée de pouvoir, la séductrice implacable, la meurtrière effrayée voire repentante et la mère éplorée. Une interprétation d’anthologie longuement saluée par un public enthousiaste, notamment après son « Bel raggio… ».

Ce sens extraordinaire du chant rossinien n’est malheureusement pas partagé par Franco Fagioli qui est décevant en Arsace. Le contreténor se livre comme à son habitude à des changements incessants de registres qui sont encore plus malvenus dans Rossini que dans l’esthétique purement baroque. D’autant que si l’agilité vocale reste surprenante et la technique le plus souvent impressionnante, la longueur de souffle et la projection semblent désormais plus limitées et certains sons sont franchement laids, notamment dans les changements de registre. Tout ceci donne un sentiment de désunion, l’impression d’un chanteur à plusieurs voix. N’échappe à ce sentiment de déception que le second duo avec Semiramis, dans lequel l’écriture plus centrale et la retenue du contreténor permettent l’émergence d’une véritable émotion.

Les deux basses sont de très bon niveau et d’excellents techniciens. A commencer par le somptueux Assur de Giorgi Manoshvili. La voix est puissante, la projection impeccable et la maitrise des couleurs impressionnante. Cet Assur est un vrai méchant, mais n’est pas monolithique et sait aussi nous émouvoir. C’est tout particulièrement vrai dans un superbe « Deh ti ferma » dans lequel Manoshvili est fort justement très applaudi. Grigory Shkapura est tout aussi remarquable en Oroe même si le rôle est moins bien servi par la partition de Rossini. Les deux ont des voix pleines et charnues qui savent nous toucher et leur affrontement est également, au plan dramatique, particulièrement réussi.

En Idreno, Alasdair Kent semble un peu trop léger et engorgé au début de la représentation mais délivre un « La speranza piu soave » très pyrotechnique et de très belle facture.

 

Crédits photographiques : © Jean-Yves Grandin

 

Programme et distribution :

 

SEMIRAMIDE, Melodramma tragico en deux actes de Gioachino Rossini (1792-1868)

Livret en italien de Gaetano Rossi d’après la tragédie de Voltaire

Créé le 3 février 1823 à Venise (La Fenice)

 

Semiramide : Karine Deshayes
Arsace : Franco Fagioli
Assur : Giorgi Manoshvili
Idreno : Alasdair Kent
Azema : Natalie Perez
Oroe : Grigory Shkarupa
Mitrane : Jérémy Florent

 

Chœur Accentus / Opéra Normandie Rouen, direction Karine Locatelli

Orchestre de l’Opéra Normandie Rouen

Direction musicale : Valentina Peleggi
 

17 juin 2025 – SEMIRAMIDE (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées.
17 juin 2025 – SEMIRAMIDE (Rossini) au Théâtre des Champs Elysées.
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