Écrit en 1813, juste après Tancrède (en 27 jours pour sauver l'ouverture de la saison du San Benedetto de Venise), L'Italienne à Alger sonne un peu comme la revanche de l'opéra bouffe sur le grand opera seria... Après une création triomphale, l’opéra gagna rapidement les principales scènes italiennes et européennes et son succès ne s’est quasiment jamais démenti depuis lors. Il faut dire que la partition de Rossini est un pur délire buffo, étincelant et émaillé de trouvailles, surtout dans le premier acte.
Titre souvent repris au Théâtre des Champs Elysées, L’Italienne à Alger était ce soir un hommage aux 25 ans de carrière de Marie Nicole Lemieux, grande spécialiste du rôle qu’elle a déjà tenu sur cette même scène. Le tempérament de la mezzo-soprano fait merveille dans ce rôle dans lequel, une fois encore, elle conquiert son public. Et son Italienne est vraiment drôle et irrésistible, minaudant à l’envi, usant et abusant d’œillades, de clins d’œil, de déhanchements voluptueux et de coups de menton et de poitrine. Elle entraîne tout son monde dans ce délire, tous les chanteurs cédant peu à peu à cette énergie et à ce sens invétéré du comique. Marie-Nicole Lemieux évite cependant ce soir de céder à son habitude de privilégier les effets sur la qualité de la ligne et du chant, et c’est tant mieux ! Seul son "Pensa alla patria" la voit recourir à ces effets d’émission et à ces sons poitrinés qui, de mon point de vue, n’ajoute rien à son talent ni à la beauté de son timbre.
Levy Sekgapane est parfaitement à l’aise en Lindoro et son « Languir per una bella » était une petite merveille de technique belcantiste et d’émotion. Il a été totalement convaincant dans le rôle et incarne à merveille ce qu’est un ténor rossinien. Le comédien est également fort convaincant, entrainant ses partenaires masculins dans l’enthousiasme de cette partition.
Après une entrée un peu timide, Nahuel di Pierro se lâche et déploie son très beau timbre de basse, appuyé par une technique remarquable et un sens parfait de la musique rossinienne. Une fois qu’il a retrouvé ses marques musicales, son Mustafa cède à son tour au feu comique que Marie Nicole Lemieux déchaîne sur le plateau.
Quoique impeccable de style et de timbre, le Taddeo de Mikhail Timoshenko est davantage en réserve. Alejandro Baliñas Vieites délivre un Haly moqueur et bien chantant. L’Elvira de Manon Lamaison parvient à être touchante et naïve et Eleonore Pancrazzi est une Zulma de grand luxe ! Saluons aussi la très belle prestation du Chœur Fiat Cantus, très homogène et précis.
La direction de Julien Chauvin est un régal. Technicien impeccable de la musique rossinienne, de la mise en valeur des pupitres, il réussit une précision parfaite des ensembles, notamment les deux septuors. La direction très vive adopte un tempo rapide dont le Concert de la Loge semble se délecter et qui répond parfaitement à l’engagement des chanteurs.
Bref, une soirée très agréable, amenant beaucoup de sourires, et très longuement saluée par un public aux anges !
Crédits photographiques : © Jean-Yves Grandin
Programme et distribution :
L’ITALIENNE A ALGER, Dramma giocoso en deux actes de Gioachino Rossini (1792-1868)
Livret en italien de Angelo Anelli
Créé le 22 mai 1813 à Venise (Teatro San Benedetto)
Isabella : Marie-Nicole Lemieux
Lindoro : Levy Sekgapane
Mustafa : Nahuel di Pierro
Taddeo : Mikail Timoshenko
Haly : Alejandro Balinas Vieites
Zulma : Eleonore Pancrazi
Elvira : Manon Lamaison
Chœur Fiat Cantus
Le Concert de la Loge
Direction musicale : Julien Chauvin