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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


25 novembre 2022 – Hérodiade (Massenet) au théâtre des Champs-Elysées.

Publié par Jean Luc sur 27 Novembre 2022, 18:34pm

Imaginée pour La Scala à partir de l’un des Trois Contes de Flaubert, Hérodiade y fut finalement refusée, comme elle le fut aussi à l’Opéra de Paris, pour être en définitive créée à La Monnaie de Bruxelles. Le succès fut plus qu’honorable avec 55 représentations au cours de la saison mais l’œuvre ne parvint que très inégalement à se maintenir au répertoire. Il faut bien reconnaître que la construction dramatique de l’œuvre est un peu faible. Mêlant intrigues amoureuses, difficultés familiales, conflits politiques et oppositions religieuses, le livret finit par perdre un peu le spectateur, d’autant que Salomé y devient une jeune amoureuse, pleine de désirs érotiques, certes, mais bien loin de la fillette fatale, sulfureuse et perverse qui nous vient des Evangiles et dont l’histoire a été contée mille fois du Caravage à Oscar Wilde et Richard Strauss, pour ne citer qu’eux.

Pendant les 14 années qui suivirent la création, Massenet révisa plusieurs fois la partition d’Hérodiade, compensant par la richesse mélodique et l’invention musicale les faiblesses de l’argument. Et la richesse musicale est incontestable, d’autant que Daniele Rustioni en rajoute à plaisir. On se retrouve propulsé dans ce que le grand opéra à la française peut avoir de meilleur : plein d’excès de sentiments sans doute, mais aussi époustouflant de richesse mélodique, d’audaces musicales, de diversité de motifs, avec une rare palette de couleurs et d’atmosphères.

Les Chœurs de l’Opéra de Lyon donnent une irréprochable prestation, très cohérente et très homogène, dans cette partition qui les sollicite beaucoup et ne leur épargne pas les difficultés. À la tête de l’Orchestre de l'Opéra national de Lyon, Daniele Rustioni délivre une interprétation au lyrisme assumé et échevelé, direction fougueuse et torrentielle mais qui sait parfaitement accompagner ses chanteurs dans les épreuves que leur fait traverser Massenet, et sait réveiller sans mièvrerie les accents orientalistes raffinés de certaines pages, notamment la musique de ballet.

Hérodiade appelle des chanteurs d’exception capables d’affronter non seulement le torrent orchestral mais aussi les redoutables difficultés des partitions aux tessitures particulièrement larges.

La seule faiblesse du plateau vocal était l’Hérodiade de Ekaterina Semenchuk qui était très décevante. Le timbre est voilé, la projection inégale, la ligne de chant pâteuse et la diction très aléatoire. Malgré quelques aigus très beaux, elle ne parvient jamais à donner à ce rôle complexe une dimension.

Mais, heureusement, le quatuor central de l’œuvre était une totale réussite.

A commencer par Nicole Car qui délivre une Salomé incandescente, au phrasé remarquable, avec les moyens déployés d’un grand soprano lyrique. La pureté des aigus émis sans faillir avec toute la puissance requise et l’intelligence du texte servait une incarnation frémissante qui culmine au dernier acte dans un chant extatique.

Hérode était interprété par Etienne Dupuis, qui plie son baryton clair à la composition d’un roi dominé par ses passions érotiques. La pureté du style, l’élégance du chant, la beauté du timbre et la puissance en font un interprète idéal du grand répertoire français dans lequel on espère l’entendre très souvent tant sa prestation était ce soir exceptionnelle.

Jean-Francois Borras domine aisément le rôle si difficile de Jean : la diction est parfaite, la voix claire et le timbre très doux alors même que le chant peut se faire puissant et porter haut les imprécations du prophète.

Un peu en difficulté dans son premier air, Nicolas Courjal a délivré un superbe Phanuel faisant de son duo avec Herode au II puis, au III, de son air et duo avec Hérodiade des sommets dramatiques bouleversants. La voix large au timbre chaleureux est là aussi parfaitement adaptée au rôle et au répertoire.

A leurs côtés, les autres rôles étaient parfaitement assumés par des artistes du Lyon Opéra Studio, aux moyens vocaux tout à fait mûrs et adaptés. On a en particulier remarqué le Vittelius de Pawel Trojak, à la présence scénique et vocale certaine et à l’engagement palpable. Le baryton-basse Pete Thanapat (le Grand Prêtre), le ténor Robert Lewis (voix dans le Temple) et la soprano Giulia Scopelliti (jeune babylonienne) ont également  servi avec talent leurs parties respectives.

Un moment de musique réellement exceptionnel qui a du beaucoup à la direction investie de Daniele Rustioni.

 

Programme et distribution :

 

Jules Massenet (1842-1912)

HERODIADE

Opéra en 4 actes et 7 tableaux

Livret en français de Paul Milliet et Henri Grémont

Créé à Bruxelles, théâtre de la Monnaie, le 19 décembre 1881

 

Hérodiade : Ekaterina Semenchuk

Salomé : Nicole Car

Jean : Jean-François Borras

Hérode : Etienne Dupuis

Phanuel : Nicolas Courjal

Vitellius : Pawel Trojak

Le grand Prêtre : Pete Thanapat

Une Voix dans le temple : Robert Lewis

Une jeune babylonienne : Giulia Scopelliti

 

Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon

Chef des chœurs : Benedict Kearns

 

Direction musicale : Daniele Rustioni

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