Composé durant l’été 1895 en vue de sa création à Monte Carlo, Cendrillon sera finalement créé à l’Opéra-comique en 1897, suite à une succession d’imprévus. La création fut un triomphe et l’œuvre se répandit immédiatement à travers le monde, avant de tomber dans l’oubli jusqu’aux années 1980. Cette production marque l’entrée de l’ouvrage au répertoire de l’Opéra de Paris. Cette œuvre est composée alors que Massenet a déjà derrière lui les deux chefs-d’œuvre qui feront sa postérité : Werther et Manon. Elle constitue une composition originale dans le travail de Massenet : plus légère, plus enfantine.
Mariame Clément en fait la rencontre de deux adolescents qui ont grandi vite et qui sont désormais, au-delà de l’enfance, en âge d’aimer, dans un monde qui ne les écoute guère, qui ne se soucie pas de leurs envies, de leurs désirs. Elle situe l’action dans la France industrielle de Massenet, autour d’une énorme machine à fabriquer des princesses qui occupe tout le plateau et servira pendant trois des quatre actes. La scène du bal se situe elle sous une verrière évocatrice du Grand Palais. Les clins d’œil au dessin animé de Disney sont nombreux et bien réalisés. J’ai aussi particulièrement aimé les tableaux en silhouettes qui précèdent chaque tableau. La direction d’acteurs est précise et ne laisse pas une seconde de répit au spectateur. Bref, une vraie réussite de mise en scène, dynamique et souvent souriante, qui repose sur un propos cohérent et une lecture séduisante.
Malheureusement, la partie musicale de cette soirée est, quoique fort honorable, moins réussie.
Tara Erraught , au très beau timbre clair de mezzo, ne maîtrise pas toujours le style requis pour chanter Massenet et a une diction française correcte. La voix est belle, bien conduite mais il est surprenant de la sentir plus à l’aise dans l’aigu que dans les graves de ce rôle écrit pour un soprano. Des qualités d’actrice très présentes lui permettent d’incarner une Cendrillon très souvent désemparée, comme perdue dans le réel…
Le Prince d’Antoinette Dennefeld est beaucoup plus convaincant dans le style du chant français et contribue pour beaucoup à l’émotion du superbe duo du III. Assumant parfaitement la dimension « garçon » du rôle, elle possède une voix riche, colorée et d’une parfaite homogénéité qui lui permet d’incarner avec aisance l’adolescent ronchon et amoureux.
En Madame de La Haltière, Daniela Barcellona manque souvent un peu de graves et peine dans les difficultés de la partition, à cause de défauts d’homogénéité des registres. Mais elle incarne une marâtre totalement détestable et insupportable et sa composition drolatique et très variée est une réussite.
Kathleen Kim, est une Fée qui assume impeccablement les coloratures du rôle. Son timbre charnu et la voix très homogène sont séduisants même si la diction est souvent un peu approximative. Le Pandolfe de Lionel Lhote est soumis et lâche à souhait ; le timbre est superbe et la voix très bien projetée. Charlotte Bonnet et Marion Lebègue incarnent les deux sœurs de Cendrillon avec un enthousiasme palpable.
Si les chœurs sont excellents, la direction de Carlo Rizzi manque de pétillant et passe à côté de nombre de subtilités ; elle ne semble se retrouver qu’au cours des actes III et IV dans lesquelles les clins d’œil de Massenet à l’opéra romantique italien sont nombreux. Le public de cette dernière a toutefois réservé un gros succès à l’orchestre et à Rizzi ainsi qu’à toute la production.
Crédits photographiques : © Monika Rittershaus ONP
Programme et distribution :
Jules MASSENET (1842-1912)
CENDRILLON
Conte de fées en quatre actes
Livret en français de Henri Cain, d'après la fable de Charles Perrault
Créé à Paris, à l'Opéra-Comique, le 24 mai 1899
Mise en scène : Mariame Clément
Décors et costumes : Julia Hansen
Lumières : Ulrik Gad
Vidéo : Etienne Guiol
Chorégraphie : Mathieu Guilhaumon
Cendrillon : Tara Erraught
Le Prince charmant : Antoinette Dennefeld
Madame de la Haltière : Daniela Barcellona
Pandolfe : Lionel Lhote
La Fée : Kathleen Kim
Noémie : Charlotte Bonnet
Dorothée : Marion Lebègue
Le Roi : Philippe Rouillon
Le Doyen de la faculté : Cyrille Lovighi
Le Surintendant des plaisirs : Olivier Ayault
Le Premier ministre : Vadim Artamonov
Six esprits : Corinne Talibart, So-Hee Lee, Stéphanie Loris, Anne-sophie Ducret, Sophie van de Woestyne, Blandine Folio Peres
Orchestre et chœurs de l'Opéra national de Paris
Cheffe des chœurs : Ching-Lien Wu
Direction musicale : Carlo Rizzi