Dernier opéra composé par Haendel pour Senesino avant que celui-ci ne soit remercié, Orlando ne connut qu’un succès très relatif et ne renaîtra régulièrement à la scène que dans la seconde moitié du XXeme siècle. Orlando est une œuvre de transition entre les opéras à forte dimension magique des débuts de Haendel et l’oratorio anglais de la fin de la carrière. Le livret, un rien compliqué comme il sied à l’opéra baroque, est inspiré de l’Orlando furioso de l’Arioste. Organisé autour de la basse Zoroastre, sorte d’intermédiaire entre la tragédie et le happy end, et de passeur entre le bien et le mal, l’opéra est une œuvre un peu étrange, tant son héros Orlando est contrasté, tiraillé, pré-romantique en somme, loin des modèles chevaleresques alors en vogue.
Cette version de concert a dû faire face à la défection de deux de ses têtes d’affiche, Franco Fagioli (Orlando) et Luca Pisaroni (Zoroastre).
John Chest se sort avec les honneurs de ce remplacement. Le baryton possède un très bel aigu, rayonnant, et une agilité vocale remarquable qui lui permet de vocaliser avec aisance. Le timbre est beau, l’interprétation noble et l’engagement palpable, même si la voix est parfois trop peu sonore et les graves souvent insuffisants.
Nuria Rial (Dorinda) a un timbre très pur, une grande élégance dans l’ornementation et beaucoup d’aisance face aux diffficultés techniques de sa partie qu’elle domine avec brio. L’interprétation manque toutefois un peu de contraste et de caractère. Delphine Galou (Medoro) était ce soir en petite forme : les graves et la projection s’en ressentaient nettement et elle semblait peiner à caractériser son personnage. D’autant plus dommage que le chant est toujours aussi beau, la technique aussi élégante et que le timbre de voix de Delphine Galou se mêlait superbement à celui de Kathryn Lewek.
Grande triomphatrice de la soirée, Kathryn Lewek incarne une Angelica de grande classe. La technique est superbe et lui permet non seulement de se jouer des difficultés de la partition mais aussi de faire surgir de l’émotion dans des pianissimi de toute beauté. Son interprétation de « Verdi prati » fut de toute beauté.
Mais c’est l’Orlando de Christophe Dumaux qui, de mon point de vue, a dominé la soirée. Appuyé sur une technique de chant inébranlable, il maîtrise une partition difficile, avec une tessiture large, des vocalises parfaitement articulées, une longueur de souffle impressionante et une interprétation toute en progressivité. Un peu effacé au début, il se surpasse dans un air de la folie déchaîné, osant même des cris parfaitement posés, et dans la scène du sommeil d’une élégiaque beauté.
Il Pomo d’Oro était un peu terne en début de soirée et Francesco Corti semblait avoir quelques difficultés à maintenir les équilibres. Mais ces petits défauts furent vite corrigés et l’orchestre a déployé ses chatoyantes couleurs habituelles, soutenu par un continuo remarquable, et a merveilleusement servi cet Orlando atypique.
Programme et distribution :
Orlando
Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Dramma per musica en 3 actes
Livret en italien d’après Carlo Sigismondo Capece
Créé au London King’s Theatre, Haymarket, le 27 janvier 1733
Orlando : Christophe Dumaux
Angelica : Kathryn Lewek
Medoro : Delphine Galou
Dorinda : Nuria Rial
Zoroastro : John Chest
Il Pomo d’Oro
Direction musicale : Francesco Corti