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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


27 juin 2023 – ROMEO ET JULIETTE (Gounod) à l’Opéra national de Paris (Bastille).

Publié par Jean Luc sur 30 Juin 2023, 18:12pm

Catégories : #Opera mis en scene

La création de Roméo et Juliette fut un triomphe, atteignant la 100ème représentation dès la 1ère année et étant repris cette même année à Londres, Dresde et New York, puis les années suivantes un peu partout dans le monde (La Scala en 1868). La création au Palais Garnier  (28 novembre 1888) imposa l’ajout d’un ballet et marqua le début d’un succès durable (639 représentations dans le seul Opéra de Paris à ce jour). C’est cette version de 1888 qui est reprise aujourd’hui par l’Opéra, le ballet étant toutefois limité à un seul de ses tableaux originaux. Marquée par l’abondance –parfois raillée- de duos amoureux, l’œuvre est d’une grande force orchestrale et nécessite un chef familier de ce répertoire et un couple d’amoureux investis et crédibles.

Carlo Rizzi confirme son aisance dans le Grand opéra français avec éclat et conduit l’orchestre de l’Opéra national de Paris avec une sensibilité particulièrement adaptée à ce répertoire. Les couleurs sont superbes, produisant de somptueux effets d’écho avec la mise en scène, la musique de Gounod est dirigée avec les justes doses de solennité et l’emphase romantique qui convient. La progression dramatique est pleinement assumée par sa direction qui met en valeur les cuivres de l’orchestre et les chanteurs sont constamment accompagnés avec attention, même si, mais cela devient la norme à Bastille, le volume sonore est un peu trop élevé. Les chœurs préparés avec le soin habituel propre à Ching-Lien Wu sont tout simplement parfaits.

J’ai plus de réserves sur la mise en scène de Thomas Jolly, pourtant acclamée par la salle. Certes j’ai été très agacé (mais c’était déjà le cas par l’Eliogaballo d’il y a quelques années) par sa propension à nous infliger des projecteurs aveuglants en plein visage, et si l’escalier de Garnier comme splendide mais unique décor (Bruno Lavenère) est une forme de clin d’œil habilement utilisé, il n’en demeure pas moins que le voir tourner sans fin finit par lasser…. Mais au-delà, le choix très « conservateur » d’une mise en scène monumentale et classique, propre à assurer le spectacle et à ne pas bousculer le public ne me séduit que modérément ; certes, cela nous repose d’excès de mise en scène qui dénaturent les œuvres mais de là à nous laisser ronronner à ce point dans nos certitudes…. Il faut néanmoins saluer la superbe direction d’acteurs qui atteint des sommets dans les scènes de combat rarement rendus de façon aussi réaliste à l’opéra, les superbes lumières d’Antoine Travert qui composent des tableaux très « Renaissance » et les costumes fastueux de Sylvette Deqyest. Je reste perplexe sur la suppression de la dernière réplique, le fameux «Seigneur, pardonnez-nous ! », suppression dont le sens et l’intention m’échappent.

C’est la deuxième distribution du couple des amants de Vérone qui était programmée ce soir, Pretty Yende et Francesco Demuro, donc. Leur succès fut total et parfaitement mérité. Pretty Yende est une Juliette vibrante, pleine de l’immaturité adolescente de son personnage et Francesco Demuro est un Roméo juvénile, plein de désir physique. A eux deux, ils incarnent superbement la passion romantique et le destin tragique de ces amants trop jeunes. La progression de l’interprétation de Pretty Yende est saisissante de vérité et les duos d’amours sont splendides. Seul petit bémol, une diction française parfois un peu prise en défaut pour les deux interprètes.

Tout le reste de la distribution est d’un niveau particulièrement relevé et n’appelle que des éloges. La Gertrude de Sylvie Brunet-Grupposo déploie une empathie soutenue par un très joli timbre et Maciej Kwaśnikowski incarne un Tybalt saisissant d’arrogance aristocratique, avec un timbre sombre et une vraie présence scénique.

Le Stephano de Lea Desandre est également une belle réussite : léger, séduisant, le page de Roméo prend une épaisseur inhabituelle dans son interprétation. Laurent Naouri parvient à nous faire ressentir et l’amour paternel qu’il voue à sa jolie Juliette mais aussi toute la brutalité de ce monde d’hommes qui la marie sans son avis. Jean Teitgen dispense un frère Laurent de grande classe, au phrasé impeccable et à l’humanité profonde. Le Mercutio de Huw Montague Rendall, est remarquable dans son engagement scénique (la scène de combat est assez bluffante) et son chant agile tout en nuances (l’air de la reine Mab est un modèle du genre, ironique à souhait). Le timbre est beau, clair et le français remarquable.

Parmi les plus petits rôles, on retrouve cette excellence, que ce soit le duc de Jérôme Boutillier, tout en autorité, le Gregorio provocant de Yiorgo Ioannou, le Pâris charmeur de Sergio Villegas-Galvain, ou Thomas Ricart en Benvolio.

Belle soirée en définitive, justement saluée avec beaucoup d’enthousiasme par le public !

 

Crédits photographiques : © Vincent Pontet

 

Programme et distribution :

Charles GOUNOD (1818-1893)

ROMEO ET JULIETTE

Opéra en 5 actes

Livret en français de Jules Barbier et Michel Carré d’après Shakespeare

Créé à Paris, Théâtre lyrique du Châtelet, le 27 avril 1867

 

Juliette : Pretty Yende

Roméo : Francesco Demuro

Frère Laurent : Jean Teitgen

Mercutio : Huw Montague Rendall

Tybalt : Maciej Kwaśnikowski

Benvolio : Thomas Ricart

Capulet : Laurent Naouri

Pâris : Sergio Villegas-Galvain

Le duc de Vérone : Jérôme Boutillier

Frère Jean : Antoine Foulon

Grégorio : Iorgo Ioannou

Stéphano : Léa Desandre

Gertrude : Sylvie Brunet-Grupposo

Manuela : So-Hee Lee

Pepita : Izabella Wnorowska-Pluchart

Angelo : Vincent Morell

 

Mise en scène Thomas Jolly (2023)

Décors : Bruno de Lavenère

Costumes : Sylvette Deqyest

Lumières : Antoine Travert

Chorégraphie Josépha Madoki

 

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Cheffe des chœurs : Ching-Lien Wu

 

Direction musicale Carlo Rizzi

27 juin 2023 – ROMEO ET JULIETTE (Gounod) à l’Opéra national de Paris (Bastille).
27 juin 2023 – ROMEO ET JULIETTE (Gounod) à l’Opéra national de Paris (Bastille).
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