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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


16 novembre 2023 – La Flûte Enchantée (Mozart) au Théâtre des Champs Elysées

Publié par Jean Luc sur 18 Novembre 2023, 15:29pm

Catégories : #Opera mis en scene

Immense succès dès sa création, La Flûte Enchantée atteindra la 100e en une seule année et ne quitta pas le répertoire, continuant à être représentée de façon continue jusqu’à nos jours. L’œuvre s’inscrit dans le contexte économique difficile de la guerre contre la Turquie et des efforts de Schikaneder pour continuer à faire vivre son théâtre par la multiplication de fééries destinées à un très large public, au-delà des sphères aristocratiques habituelles. Quoiqu’aujourd’hui très discutée, voire franchement contestée, la théorie de l’ancrage maçonnique de l’œuvre continue d’être régulièrement reprise, malgré un livret assez souvent bancal pour ne pas dire truffé de contradictions dans ce qui serait la lutte du Bien et du Mal…

Cédric Klapisch se garde bien de s’égarer dans une mise en scène surchargée de symboles, d’allusions ésotériques ou d’explications appuyées de la dimension prétendument maçonnique de l’œuvre. Il semble vouloir se borner à mettre en avant la dimension humaniste de cet opéra : la note d’intention souligne la volonté d’évoquer le rapport de l’homme à la Nature dans le contexte actuel de dérèglement climatique. A force de vouloir éviter les lourdeurs symboliques, le propos peine toutefois à décoller et cette lecture assez premier degré reste sur la réserve quant aux intentions climatiques et sociétales annoncées et a surtout pour effet de souligner les incohérences du livret. Quelques vidéos de facture naïves et enfantines et des décors très souvent limités à quelques jeux minimalistes de rideaux ne suffisent pas à caractériser la lutte du Mal et du Bien, ni l’opposition de la Nature et de la Cité humaine… Si la direction d’acteurs accompagne les chanteurs avec un soin évident et très poussé, les mouvements d’ensemble sont très souvent caricaturaux. Les éclairages d’Alexis Kavyrchine ne sont pas d’une grande délicatesse mais les transitions ombre-lumière sont plutôt réussies. De même les costumes colorés de Stéphane Rolland et Pierre Martinez donnent un peu de piquant à une production qui sinon resterait un peu morne, loin de la joyeuse partition de Mozart.

Les textes parlés sont traduits en français et ce travail est très réussi même s’il est parfois un peu racoleur ; il a l’avantage de faire sourire et de mettre à distance des propos misogynes, sexistes voire racistes du livret de Schikaneder.

Comme souvent, Cyrille Dubois me laisse un peu perplexe. S’il a bien sûr les moyens du rôle, si son medium un peu étroit est largement compensé par un bel aigu clair et vibrant, le style est assez peu mozartien et l’incarnation du Prince Tamino est assez sommaire. Il semble fatiguer en cours de soirée, le chant semblant comme monter de plus en plus haut dans le masque mais le métier de l’interprète est de haut niveau, lui permettant de contrôler ce qui chez d’autres serait des défaillances.

La Pamina de Regula Mühlemann est beaucoup plus convaincante, dans le style comme dans la précision du chant. Le timbre est d’un très grand naturel, la projection irréprochable et la technique très éprouvée, avec une longueur de souffle qui lui permet un « Ach, ich fühl’s » particulièrement émouvant.

En Papageno, Florent Karrer est particulièrement solide et la technique est remarquable de bout en bout. Son interprétation souligne la dimension comique du personnage au détriment de l’émotion que ce personnage un peu perdu dans un univers qui lui est étranger, un peu lunaire, devrait aussi nous inspirer.  

Catherine Trottmann est particulièrement l’aise en Papagena. Le timbre est superbe et elle nous convainc aussi bien en chevrotant en vieille femme qu’en déployant un medium très séduisant et des aigus très réussis dans sa Papagena « révélée » à son amoureux.

 

Jean Teitgen incarne un Sarastro tout en noblesse et en autorité. Marqué en première partie par des graves un peu courts et un haut medium un peu « nasillant », il retrouve toutes les facultés de sa très belle voix et une technique qui lui permet de dominer son personnage.

Marc Mauillon semble particulièrement à son affaire dans son Monostatos cuir et vaguement SM. Le timbre est clair, l’articulation précise et l’interprétation des facettes du personnage, tour à tour dominateur, veule, manipulateur, d’une méchanceté incurable, est magistrale.

Grosse déception avec la Reine de la Nuit d’Aleksandra Olczyk. Si le timbre est beau et la voix bien projetée et bien sonore, il y a eu vraiment trop de problèmes de justesse (et pas que sur les impossibles et légendaires fa), des vocalises approximatives et savonnées sur le 1er air et une caractérisation quasi inexistante de son personnage.

Rarement les trois Dames ont été aussi bien chantantes et autant présentes scéniquement que celles que nous ont proposé Judith van Wanroij, Isabelle Druet et Marion Lebègue. Même appréciation pour les seconds rôles tenus par Ugo Rabec et Blaise Rantoanina (les deux prêtres et les deux hommes d’armes), parfaitement coordonnés, scéniquement convaincants et irréprochables de style et de technique. Enfin Josef Wagner campe son orateur avec un beau phrasé. Enfin, les trois enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine sont impeccables et le chœur Unikanti tient sa partie avec toute l’homogénéité et la solennité requises.

François-Xavier Roth dirige Les Siècles qui délivrent de très belles couleurs et une interprétation d’une précision rare, sur copies d’instruments d’époque. Soucieux des équilibres au sein de la formation mais aussi avec le plateau, il conduit sa formation avec enthousiasme et avec une lecture qui tend à éloigner la partition de l’univers baroque auquel, de fait, elle n’appartient déjà plus. Peut être pourrait-on lui reprocher quelques excès (comme ces chants d’oiseaux répétés…) mais l’interprétation d’ensemble, riche et souvent surprenante, est une véritable réussite, très applaudie aux saluts.

Impressions donc assez contrastées pour cette Flûte Enchantée que le public a ce soir-là manifestement beaucoup plus apprécié que moi, à en juger par les applaudissements nourris qui ont salué tous les interprètes, le chef et le metteur en scène. A noter aussi une petite manifestation des intermittents devant le rideau baissé, juste avant la représentation qui a été diversement appréciée par le public…

 

Crédits photographiqes : © Vincent Pontet

 

Programme et distribution :

Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

LA FLUTE ENCHANTEE

Singspiel en deux actes

Livret en allemand d’Emanuel Schikaneder

Créé le 30 septembre 1791 à Vienne, Theater an der Wien

 

Tamino : Cyrille Dubois

Pamina : Regula Mühlemann

Papageno : Florent Karrer

Papagena : Catherine Trottmann

Sarastro : Jean Teitgen

Monostatos : Marc Mauillon

La Reine de la Nuit : Aleksandra Olczyk

Les Trois Dames : Judith van Wanroij, Isabelle Druet et Marion Lebègue

Le Narrateur : Josef Wagner

Premier Prêtre et Deuxième homme d’armes : Ugo Rabec

Deuxième Prêtre et Premier homme d’armes : Blaise Rantoanina

Les esclaves : Dennis Mader et Felix Nebel, comédiens

Les suivantes de la Reine de la Nuit : Manon Chauvun et Eva Pion, figurantes

 

Mise en scène : Cédric Klapisch

Scénographie : Clémence Bezat

Costumes : Stéphane Rolland et Pierre Martinez

Lumières : Alexis Kavyrchine

Création d’images digitales : Niccolo Casas

Illustrations animaux et montres : Stéphane Blanquet

Animation vidéo : Atelier de Sèvres

Dialogues adaptés en français par Cédric Klapisch

 

Chœur Unikanti

Maîtrise des Hauts-de-Seine – Direction : Gaël Darchen

Les Siècles

Direction musicale : François-Xavier Roth

16 novembre 2023 – La Flûte Enchantée (Mozart) au Théâtre des Champs Elysées
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