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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


14 juin 2021 - Oreste (Haendel) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 17 Juin 2021, 19:37pm

Catégories : #Opera baroque version concert

L'opéra a été créé au Covent Garden Theatre le 18 décembre 1734. Malgré le succès de cette première représentation, il ne sera repris que deux fois du vivant de Haendel (les 21 et 28 décembre 1734) avant de sombrer dans l’oubli jusqu’en 1988. L’œuvre est un pasticcio, c’est-à-dire qu’elle est composée à partir du réemploi de musiques antérieures, assemblées pour l’occasion. La pratique est très courante au XVIIIème siècle et permet notamment aux théâtres et aux compositeurs de tenter de se rétablir financièrement après un échec.

 

La création d’Oreste a lieu plus de 20 ans après l’installation de Haendel à Londres et le colossal succès qu’y a rencontré Rinaldo. Mais Haendel est alors en proie à la concurrence qui agite le milieu musical à Londres. La Royal Academy of Music qu’il dirige fait faillite en 1729 et Haendel monte alors un partenariat avec le propriétaire du King’s Theatre (Haymarket), partenariat qu’il se fait ravir en 1734 par l’Opera of the Nobility. Dans cet épisode, Haendel perd un grand nombre de ses chanteurs vedettes, notamment Senesino qui y rejoint Farinelli. Haendel rebondit une nouvelle fois, au Covent Garden Theatre, dont il ouvre la saison 1734. C’est dans ce contexte que survient le pasticcio Oreste, dans lequel se produit Anna Strada, seule vedette à être restée fidèle à Haendel, et, nouveau venu, Carestini.

 

La version présentée ce soir est affectée de nombreuses coupures (près d’1h quand même !) sans aucune mention ou justification dans le programme de salle.

 

Disons-le tout de suite, Il Pomo d’Oro n’est pas dans sa meilleure forme. Sa prestation est ce soir monochrome et pour tout dire un peu terne, sans ses couleurs habituelles. Maxim Emelyanychev dirige avec vivacité, imposant des rythmes rapides. La vivacité tourne parfois à la gesticulation, bruyante en l’occurrence car il tape fort des deux pieds, ce qui devient un peu agaçant à force.

 

Franco Fagioli est phénoménal, à son habitude. Les moyens sont exceptionnels, la tessiture impressionnante, les registres sur lesquels il cavalcade sont d’une impeccable homogénéité et sa forme lui permet des suraigus d’une hauteur invraisemblable. Pour autant, mais je l’ai dejà dit sur d’autres concerts, il surjoue des effets, et pas toujours avec un goût très affirmé (je pense ici par exemple à ses descentes abyssales dans les graves). Il devient ainsi à lui-même le spectacle, caricaturant le castrat et abusant de sa longueur de souffle. Cette approche n’est pas très moderne mais elle est très probablement proche de l’esthétique de l’opéra baroque du XVIIIème siècle dans lequel danseuses, machineries et castrats- phénomènes assuraient le succès et la recette.

 

Julia Lezhneva (Ermione) est la meilleure surprise de la soirée. La voix a pris beaucoup de densité, le timbre s’est débarrassé de toute acidité et les aigus tirés ont disparu. Elle est pleinement investie dans son Ermione et nous offre une virtuosité qui ne sera presque jamais prise en défaut et des piani/pianissimi de toute beauté.

 

L’Ifigenia de Siobhan Stagg présente beaucoup de qualités. La composition du personnage est intéressante et la technique vocale est très bonne. Mais le timbre de l’interprète est un peu dépourvu de caractère.

On peut en dire à peu près autant de Krystian Adam (Pilade) qui ne parvient pas à susciter l’émotion malgré une belle technique vocale qui lui fait surmonter les difficultés du rôle écrit pour le prodige John Beard.

Biagio Pizzuti est davantage en difficultés en Toante alors qu’il peut mettre en avant une belle voix au timbre séduisant.

Lors de son air d’entrée, Margherita Maria Sala (Filotete) impressionne : le style est pur, le timbre chaud et vibrant. Ces promesses ne sont toutefois pas totalement tenues au cours de la soirée qui la voit peu à peu s’effacer alors que son rôle et ses moyens devaient lui permettre une plus grande présence scénique.

Malgré ces limites, la soirée fut une vraie réussite, saluée comme telle par le public. Cette réussite est pour l’essentiel induite par le couple Lezhneva-Fagioli, au meilleur ce soir.

 

Programme et distribution :

 

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)

Oreste

Opéra en trois actes

Livret anonyme en italien (adapté de l’Oreste de Giangualberto Barlocci)

Créé à Londres (Covent Garden Theatre) le 18 décembre 1734.

 

Oreste : Franco Fagioli

Ifigenia : Siobhan Stagg

Ermione : Julia Lezhneva

Pilade : Krystian Adam

Toante : Biagio Pizzuti

Filotete : Margherita Maria Sala

 

Il Pomo d’Oro

Direction et clavecin : Maxim Emelyanychev

 

Crédits photo : Leszek Bernat

 

 

14 juin 2021 - Oreste (Haendel) au Théâtre des Champs Elysées.
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