La Périchole est une œuvre un peu particulière dans la production d’opéras-bouffes d’Offenbach. Si on y retrouve la pétillante vivacité de la musique, les ingrédients comiques habituels et la parodie du grand opéra à la française, on y trouve aussi une critique assez acerbe de la condition sociale des artistes de rue, de la façon dont les classes plus aisées les utilisent, des phénomènes de cour et de l’arbitraire du pouvoir politique. Composée spécifiquement pour l’immense Hortense Schneider, La Périchole est créée en deux actes en 1868 puis, devant un succès somme toute limité à 76 représentations fin 68-début 69, recréée en trois actes en 1874.
La mise en scène de Valérie Lesort est parfaitement dans l’esprit de ce que l’on imagine d’Offenbach. On assiste donc à un torrent de couleurs acidulés, de costumes fantaisistes tenant d’une réinterprétation du folklore péruvien et du cancan parisien, de cartoons évoquant Alice au Pays des Merveilles, d’illustrations sucrées pour enfants. La mise en scène accumule les gags et les effets comiques, des adorables lamas-marionnettes aux dessous des danseurs en passant par le cheval du vice-roi ou la coiffure en pains aux raisins de Panatellas. Mais ce travail indéniablement très élaboré et souvent plaisant finit par sombrer dans l’excès ; et on se lasse vite de ces chorégraphies omniprésentes, de ses mouvements de mains gantées, de ses bras agités comme des sémaphores. Vanité d’une mise en scène qui ne laisse pas la musique se déployer, comme si elle ne pouvait se suffire à elle-même pour rendre l’émotion. Privilégiant la farce et les effets comiques, elle passe à côté de l’émotion amoureuse et de la satire sociale pourtant si perceptibles …
C’est d’autant plus dommage que le travail de Julien Leroy à la tête de l’Orchestre de Chambre de Paris est, pour sa part, parfaitement équilibré entre le bouffe, la satire douce-amère et les émois amoureux. Sa direction délicate et sûre est jubilatoire, tant elle se plait à varier les couleurs, les ambiances et les effets.
Si Stéphanie d’Oustrac prend un plaisir évident à sortir de ses rôles tragiques habituels, le timbre est toutefois un peu sombre à mon goût pour La Perichole, d’autant que le recours à des graves très poitrinés et le vibrato un peu lourd parfois ne correspondent pas à l’image d’une Périchole jeune, effrontée et un rien désespérée. Le Piquillo de Philippe Talbot est une joyeuse incarnation du grand dadais franchement benêt. La diction est impeccable et si la projection est parfois un peu juste, l’élégance du phrasé et la clarté du timbre sont remarquables.
Tassis Christoyannis est un vice-roi libidineux et despotique à souhait, amusant sans jamais caricaturer le personnage ni céder à des facilités. La diction, parlée notamment, est excellente. Le timbre chaud se ploie aux intentions du chanteur dans les différentes facettes de ce rôle tenu de manière impressionnante. Mais c’est Eric Huchet qui fait montre de la meilleure diction et de la plus grande précision. L’émission est aisée, et la voix claire, très bien projetée, se déploie très bien dans la salle et sert une composition variée et drôle. Lionel Peintre est plus à l’aise dans les dialogues que dans la partie chantée d’un rôle à l’écriture peut être un peu trop grave mais l’investissement dans le personnage bête et méchant est total et le tandem composé avec Eric Huchet est désopilant.
Thomas Morris réussit le tour de force de composer ses trois personnages de manière parfaitement identifiée. Marie Lenormand, Lucie Peyramaure et Julie Goussot forment un trio vocal très homogène et très bien utilisé par la production que ce soit dans le rôle des cousines ou dans celui des dames de la Cour.
Crédits photographiques : Stefan Brion
Programme et distribution :
Jacques OFFENBACH (1819-1880)
LA PERICHOLE
Opéra bouffe en trois actes
Livret en français de Henri Meilhac et Ludovic Halévy d’après Le Carrosse du Saint-Sacrement de Mérimée
Créé à Paris (Théâtre des Variétés) le 25 avril 1874 (6 octobre 1868)
Mise en scène : Valérie Lesort
Décors : Audrey Vuong
Costumes : Vanessa Sannino
Lumières : Christian Pinaud
Chorégraphie : Yohann Têté
Marionnettes : Carole Allemand
La Périchole : Stéphanie d'Oustrac
Piquillo : Philippe Talbot
Don Andrès de Ribeira : Tassis Christoyannis
Le comte de Panatellas : Eric Huchet
Don Pedro de Hinoyosa : Lionel Peintre
Premier notaire/Tarapote/le vieux Prisonnier : Thomas Morris
Deuxième notaire : Quentin Desgeorges
Berginella/Frasquinella : Marie Lenormand
Mastrilla/Brambilla : Lucie Peyramaure
Guadalena/Manuelita : Julie Goussot
Ninetta : Julia Wischniewski
Chœur Les Eléments
Orchestre de chambre de Paris
Direction musicale : Julien Leroy