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Operaphile

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Comptes rendus de spectacles lyriques... entre autres choses....


12 septembre 2017 - Lucia Di Lamermoor (Donizetti) au Théâtre des Champs Elysées.

Publié par Jean Luc sur 15 Septembre 2017, 19:45pm

Catégories : #Opera version concert

Chef d’oeuvre de Donizetti, Lucia Di Lamermoor fut pendant longtemps la chasse gardée des sopranos coloratures à l’aigu avantageux qui faisait leur miel de la scène de folie. C’est Maria Callas qui révélera au milieu du 20eme siècle (prise de rôle en 1952) combien la partition et le rôle de Lucia comporte de richesses et l’arrachera aux sopranos rossignols dans des incarnations de souffrance et de folie démesurées. L’idée de ce concert hommage à Maria Callas, 40 ans après son décès, sur cette scène du Théâtre des Champs Elysées, avait donc tout son sens.

 

Paris a accueilli cette œuvre à de nombreuses reprises ces dernières années et s’y sont produites les plus grandes interprètes contemporaines du rôle, Diana Damrau, Patrizia Ciofi, Sonya Yoncheva... Il était donc logique que Jessica Pratt s’y produise pour des débuts parisiens tardifs, alors que Lucia l’a déjà vue triompher sur les scènes lyriques majeures.

 

La direction de Roberto Abbado a été un élément un peu décevant de cette belle soirée. Dirigeant un ONDIF dont on connaît les qualités, la direction est inégale, souvent un peu molle, et la plupart du temps un peu trop sage, ne soulignant pas les noirceurs de la partition ni les sombres desseins ou les douleurs exacerbées des protagonistes. Il sait toutefois faire chatoyer les cuivres et les vents, et son attention permanente aux chanteurs et aux équilibres permet de très beaux forte-fortissimi qui n’ecrasent pas les chanteurs. Saluons ce respect qui devient un peu trop rare chez les chefs belcantistes... Et, le troisième acte sera splendide.

 

Jessica Pratt est remarquable de bout en bout et sera ovationnée à diverses reprises par la salle. Bien que se posant en héritière de Callas, la voix de la soprano n’en a ni les couleurs sombres ni les raucités, ni l’expressivité échevelée. Pourtant, l’immense qualité d’une technique belcantiste éprouvée se rattache bien à l’ecole de Maria Callas. Et dès l’évocation du fantôme de la victime des Ravenswood, on est emporté par une interprétation qui fait frémir. Qualités techniques que l’on retrouve dans de merveilleux trilles sur le souffle, dans des aigus brillants, des notes filées, des pianissimi de toute beauté, et même si le bas medium est moins beau. Dans la grande scène de l’acte III, elle sait installer un climat de démence presque dérangeante, alternant noirceur et innocence, pleurs et rires. La folie est superbement rendue, d’une façon très moderne et dans un engagement total qui fait oublier quelques imprécisions, notamment dans le dialogue avec la flûte. On la sent toutefois à l’étroit dans cette version de concert qui limite évidemment l’engagement théâtral, et on lui sent comme des impatiences de mouvement....

 

Paolo Fanale accompagne sa partenaire avec beaucoup de classe et une belle technique. La voix est belle, même si sa puissance est un peu plus limitée que celle du reste de la distribution. Il est remarquable dans le duo du I dans lequel ses phrases qui s’achèvent en quasi parlando produisent un effet saisissant lorsqu’il rappelle le serment qu’il a prêté. Il est bouleversant, dans la grande tradition des ténors italiens dans son air final au III dans lequel on le sent en pleine possession de son rôle et de ses moyens. En revanche, il est moins à l’aise dans les ensembles et a semblé en grande difficulté dans le sextuor du IIeme acte, au point que je l’ai cru souffrant.

 

Luca Salsi, appelé en remplacement a été légèrement décevant. Pas sur le chant qu’il maîtrise parfaitement dans un rôle qu’il connaît bien, mais sur une difficulté à s’insérer dans la représentation, sur de nombreux décalages avec ses partenaires probablement dus à des répétitions insuffisantes compte tenu des circonstances. Mais il compose un Enrico qui manque de noirceur, de duplicité calculatrice, d’indifference.... bref il privilégie un joli chant, d’ailleurs soutenu par un timbre chaleureux, à une incarnation digne du travail de Jessica Pratt et de l’engagement vaillant de Paolo Fanale.

 

Également appelé en remplacement de dernière minute, Riccardo Zanellato, compose lui un Raimondo tout en humaine sensibilité et tentant maladroitement de prévenir le désastre qu’il pressent et qu’il contribuera à hâter. De ce second rôle il fait un rôle de premier plan, chanté avec une belle ampleur.

 

Aux côtés du quatuor central de l’oeuvre, la soirée nous a offert trois belles découvertes. À commencer par l’élégant Arturo de Xabier Anduaga dont le très beau timbre est prometteur et qui a été impeccable dans ce petit rôle. De la même façon, Valentine Lemercier est une Alisa de grande classe à la voix plutot homogène et aux beaux aigus qu’on espère voir bientôt dans des rôles de mezzo plus étoffés. Et enfin, Kevin Amiel, tres beau timbre prometteur de ténor à la voix bien conduite, qui tient son Normanno avec brio. 

 

Le public visiblement enchanté a longuement applaudi, debout, et a multiplié les rappels, saluant légitimement l’engagement vaillant d’une distribution prestigieuse.

12 septembre 2017 - Lucia Di Lamermoor (Donizetti) au Théâtre des Champs Elysées.
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